Plusieurs centaines de personnes ont manifesté hier à l'avenue Habib Bourguiba, contre le projet de loi sur la réconciliation économique. Tout laisse croire que ledit projet de loi ne passera pas en l'état, et qu'il fera l'objet d'une révision par la commission de législation au sein de l'ARP. Cependant, les avis sont partagés aussi bien sur le fond que sur la forme. D'aucun estiment qu'il ne doit pas y avoir de réconciliation sans poursuite de ceux qui ont détourné des fonds publics et qui ont commis par là même des actes de corruption, alors que d'autres soutiennent que la réconciliation économique permettra de donner un souffle nouveau à l'économie nationale, en donnant l'occasion notamment aux hommes d'affaires qui sont en fuite de réintégrer le pays, sans crainte d'être poursuivis. C'est l'avis d'Ali Chourabi, magistrat et secrétaire général de l'Association tunisienne du droit économique, qui a déclaré au Temps que « la réconciliation économique, permettrait de récupérer beaucoup d'argent et de renflouer l'économie tunisienne en évitant des poursuites inutiles. Ce fut le cas au Brésil. La présidente Rousseff a promis la réconciliation économique, qui s'est réalisée au bout de trois ans, tout en sévissant contre la corruption. Ce fut le cas également en Afrique du Sud ». « Concernant la loi sur la réconciliation, seule l'ARP, par le biais de la commission de législation, est habilitée à prendre des résolutions idoines. C'est une question de procédure juridique, auquel le mouvement de la rue n'ajouterait pas grand-chose » a ajouté Ali Chourabi. La réconciliation économique est le meilleur moyen de permettre de récupérer l'argent détourné et de renflouer par là même l'économie du pays. Quid du dédommagement des victimes ? A cette question Ali Chourabi estime que cela est du ressort de la Justice qui appréciera selon les cas. En tout état de cause et s'il s'agit d'infraction douanières ou financière la réconciliation est prévue par les textes de loi ». Il y a une nuance entre infraction financière ou fiscale et corruption pour laquelle les contrevenants doivent en rendre compte. A cet égard l'Ordre des avocats considère que ledit projet de loi, dans sa mouture actuelle, constitue une absolution des personnes ayant profité du système afin de s'enrichir sur le dos du contribuable et de piller l'Etat. Il a appelé le président de la République à privilégier le dialogue entre toutes les parties afin de trouver une solution permettant de mener à bien le processus de la justice transitionnelle dans les La ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, estime que ledit projet n'est pas conforme à la Constitution dans certains de ses articles. Ce qui est confirmé par l'Association des magistrats tunisiens. Sur le plan juridique Ledit projet de loi constitue un obstacle à la lutte contre la corruption et l'évasion fiscale. Pour Ahmed Souab, magistrat au tribunal administratif, ledit projet de loi doit être soumis, à un débat public, car il n'illustre pas les valeurs de la transparence et il n'est basé sur aucune étude d'impact quant à ses retombées économiques. Il n'y a pas en effet de chiffres ni de précisions concernant son application dans le temps, laquelle peut être illimitée. Par ailleurs il n'est pas équitable que la commission chargée d'étudier les dossiers de la réconciliation soit composée des membres du gouvernement. Par ailleurs, ledit projet de loi est contraire à l'article 14 de la loi relative à la Justice transitionnel, laquelle a essentiellement pour but d'éradiquer la corruption. Procédure Une fois adopté par l'ARP, ledit projet de loi, sera promulgué par le président de la République sauf si lui-même le renvoie au parlement pour une seconde lecture ou s'il fait l'objet de recours en inconstitutionnalité par 30 députés, devant l'instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois. Dans l'éventualité d'un rejet du recours par ladite Instanc, la loi sera promulguée étant dans ce cas jugée conforme à la Constitution. S'opposer à la loi par les membres de la composante civile est conforme également à la Constitution. Sur le plan pratique La réconciliation économique est une bonne initiative dans la mesure où elle ne contrevient pas aux acquis de la Révolution, dont notamment les principes énoncés par la Constitution tendant à éradiquer la corruption et mettre fin aux malversations de toutes sortes dans l'intérêt général. Le projet de loi concerné doit être remodelé dans ce sens afin de recueillir l'accord de toutes les parties prenantes.