Dans une tribune publiée le 2 octobre 2024 sur Business News, intitulée : « La gauche qui a failli », Marouen Achouri nous dit en substance que : « La réalité partisane et idéologique en Tunisie est digne de meubler les cercles de réflexion et les discussions de salon. » Il énumère les expériences passées et en cours pour conclure que « La gauche sociale et démocratique a encore une fois failli à présenter un visage uni et une alternative viable à l'opinion publique tunisienne. C'est le couronnement d'une série d'échecs et de défaites sur tous les fronts. La gauche tunisienne n'a pas réussi à se faire entendre dans une scène peuplée par les opportunistes et les populistes. » Mais M. Achouri exprime ses déceptions tout en laissant entendre que le socialisme démocratique pourrait être la solution en Tunisie. De fait, la vie politique en Tunisie est confuse. Après une période de glaciation de 60 ans, nous vivons à nouveau une période de désertification de la pensée politique même en Tunisie. Nos débats se résument à des lieux communs repris par des individualités en mal de reconnaissance.
Avec l'élection présidentielle, la situation a viré au ridicule. Les rêves de justice sociale, d'égalité des chances, de défense des biens communs et d'équilibres régionaux sont non seulement réalistes, mais des nécessités vitales pour notre société. C'est en travaillant dans chaque secteur dans le respect de ces principes qu'on pourrait sortir notre société du marasme dans lequel elle baigne depuis plusieurs décennies. Sans dogmatisme, on pourrait penser qu'établir une synergie entre les idéaux démocratiques et les valeurs de justice sociale et de solidarité est la seule voie à suivre dans notre pays. Il nous faut dénoncer les idées néolibérales et la mondialisation sauvage pour nous engager dans un socialisme démocratique, le seul à même de construire une économie équitable qui met l'accent sur une juste redistribution des richesses. Une politique qui met en place des mécanismes de lutte contre les inégalités et garantit un accès équitable aux moyens disponibles tout en aidant à la création de richesses. Elle protège les biens communs des prédateurs financiers. Notre société dérive depuis les années 70, et nous avons vu apparaître des fortunes colossales, une économie de rente, des conglomérats gigantesques. Ce n'est pas juste, car cela s'est fait parce que l'Etat n'a pas joué son rôle de régulation. Une société de consommation où l'argent facile est devenu le rêve a fait le reste. Il nous faut travailler à construire une communauté plus juste, où chaque individu a la possibilité de s'épanouir, indépendamment de son origine socio-économique ou géographique. Grâce à l'instauration de politiques fiscales progressives et à un renforcement des services publics, ce modèle politique assure que les besoins fondamentaux – tels que l'éducation, la santé, le transport, la culture, le sport et le logement – soient satisfaits pour tous les membres de la société.
Le socialisme démocratique offre un équilibre entre la cohésion sociale et le respect des libertés individuelles. Il encourage la création de richesses et soutient les initiatives personnelles. La participation citoyenne est encouragée par l'intégration et le respect de toutes les opinions et préoccupations des citoyens, aussi bien dans la réflexion que dans le processus décisionnel. Les citoyens sont ainsi motivés à s'impliquer activement dans la vie politique, favorisant un climat de confiance et de collaboration entre les institutions, les responsables régionaux et centraux, et les citoyens. Cette dynamique encourage le développement d'un tissu social solide et la formation de communautés plus résilientes.
Le modèle économique basé sur le socialisme démocratique inclut également des mesures pour encourager l'entrepreneuriat local et soutenir les petites et moyennes entreprises (PME). En facilitant l'accès au financement et en offrant des formations adaptées, il permettrait à ces entreprises de se développer, créant ainsi des emplois et renforçant l'économie locale. Cette démarche contribuerait à réduire le chômage, un des défis majeurs auxquels la Tunisie est confrontée.
La pénurie d'eau et les sécheresses successives sont des sujets d'une extrême importance. Les questions environnementales ne sont pas des lubies de salons, bien au contraire, elles concernent les agriculteurs, les pêcheurs et chacun d'entre nous. Ce n'est pas en invectivant ou en nous accusant à tort et à travers les uns et les autres qu'on trouvera des solutions, mais en adoptant des choix écologiques partagés par tous. Le socialisme démocratique est le moyen de répondre aux défis posés par le changement climatique, en veillant à inclure tous les citoyens dans les débats et en préservant les droits de chacun, mais surtout des plus vulnérables. Cela inclut la transition vers des sources d'énergie renouvelables et des pratiques de production durables, garantissant ainsi un avenir viable pour les générations futures.
Le socialisme démocratique, dans son essence même, défend le droit des femmes et des minorités. Il promeut les valeurs de solidarité et de coopération. En soutenant des initiatives communautaires et des coopératives, il incite à l'entraide et au soutien mutuel. Cela renforce non seulement les liens sociaux, mais améliore aussi la capacité des communautés à faire face collectivement aux défis économiques et sociaux. Le socialisme démocratique est une vision alternative pour la Tunisie qui place l'équité, la participation, la durabilité et la solidarité au cœur de ses projets. Ces principes ne se contentent pas de construire une société plus juste, mais permettent également de répondre de manière proactive et inclusive aux défis actuels.
En intégrant ces valeurs dans le débat public, le socialisme démocratique pourrait redéfinir les priorités politiques et économiques du pays. Il ne s'agit pas seulement de critiquer les structures en place, mais de proposer des solutions concrètes qui répondent aux aspirations profondes de la population. En effet, les Tunisiens aspirent à un avenir où les droits humains sont respectés et où chaque citoyen peut profiter des fruits de la croissance. La mise en place d'un cadre réglementaire favorable à l'innovation et à la créativité pourrait également dynamiser le secteur technologique, attirant ainsi les investissements étrangers tout en promouvant une économie diversifiée. Les politiques publiques devraient donc s'articuler autour d'une vision qui favorise le développement durable, tout en garantissant que les bénéfices de la croissance soient partagés équitablement.
En outre, il serait primordial de renforcer l'éducation civique et politique. En formant les jeunes générations à l'importance de la participation citoyenne, on prépare un terreau fertile pour une démocratie vivante et engagée. Cette éducation devrait également inclure des aspects liés à la responsabilité sociale et environnementale, afin de sensibiliser les citoyens aux enjeux contemporains.
Pour que le socialisme démocratique s'impose comme une alternative viable, il est essentiel de bâtir des alliances solides entre les différents acteurs de la société civile. Les syndicats, les organisations non gouvernementales, les mouvements sociaux et les partis politiques de gauche doivent travailler ensemble pour faire entendre une voix commune. Cette unité, loin des factions divisées, pourrait créer un véritable mouvement populaire en faveur du changement. Sans dogmatisme ni assignation intellectuelle, le socialisme démocratique en Tunisie ne se limite pas à une simple idéologie, il appelle à la construction d'une société plus humaine, où le respect des droits, la justice sociale et l'égalité des chances vont de pairs avec la création de richesse et le soutien à l'esprit d'initiative. Ce ne sont pas de vains mots, mais bien des principes qui nous permettront de faire face aux défis actuels. Cette approche est la clé pour bâtir un avenir meilleur, plus solidaire et durable pour tous les Tunisiens, mais M. Achouri a raison elle doit être portée par des personnes crédibles et ce n'est pas le cas actuellement.