Le Temps-Agences - Les Sud-Africains ont voté hier aux élections générales qui devraient porter Jacob Zuma, populaire et controversé, à la présidence d'un pays toujours miné par une immense pauvreté, quinze ans après la chute de l'apartheid. Plus de 23 millions d'électeurs renouvelaient l'Assemblée nationale et les parlements provinciaux lors de ce 4e scrutin national depuis l'avènement de la démocratie en 1994. Les nouveaux députés éliront le président de la République. Les files d'attente s'étaient formées dès l'aube devant les bureaux de vote du pays, laissant augurer d'une participation massive. En fin d'après-midi, il fallait encore souvent patienter plusieurs heures pour voter. "La réponse est absolument formidable dans l'ensemble du pays", a commenté la présidente de la Commission électorale, Brigalia Bam, évoquant un scrutin "pacifique, tranquille et harmonieux". Dans le quartier résidentiel de Houghton, à Johannesburg, des centaines de personnes ont acclamé le premier président noir du pays, Nelson Mandela, venu une 4ème fois, à 90 ans, glisser son bulletin dans l'urne. Le frêle héros de la lutte anti-apartheid s'appuyait au bras d'un responsable provincial. La même ferveur s'est emparée du village natal de Jacob Zuma, Nkandla, en pays zoulou (sud-est), quand le chef du Congrès national africain (ANC) a effectué son devoir citoyen. "Quand j'étais enfant, je n'aurais jamais imaginé que je pourrais voter comme je le fais aujourd'hui", a-t-il commenté. L'ANC, qui a remporté une large majorité à chaque scrutin depuis 1994, dispose cette fois encore de plus de 60% des intentions de vote. Jacob Zuma, 67 ans, est donc assuré d'être élu président, après plus d'un an de crise politique. L'ancien mouvement de libération s'est irrémédiablement divisé ces derniers mois, entre les partisans du charismatique autodidacte et ceux de l'ex-président, Thabo Mbeki. Evincé en décembre 2007 de la direction du parti, ce dernier était contraint de démissionner de la présidence en septembre. Enfin, il y a deux semaines, des poursuites pour corruption à l'encontre Jacob Zuma étaient abandonnées par le Parquet général, qui a reconnu des abus de pouvoir au plus haut niveau de l'enquête. En dépit de ces remous, les Sud-Africains semblaient décidés à donner une nouvelle chance à l'ANC, qu'ils estiment le seul parti en mesure d'apporter "un changement" à un quotidien encore trop souvent fait de pauvreté. "Rome ne s'est pas faite en un jour", soulignait Maggie Kotso, une employée de supermarché de 47 ans, en notant les avancées réalisées depuis la fin de l'apartheid dans son township d'Alexandra, à Johannesburg: toilettes, routes goudronnées... Depuis 1994, plus de deux millions de logements sociaux ont été construits, l'eau courante et l'électricité installées dans de nombreux quartiers. Mais 43% de la population vit toujours avec moins de deux dollars par jour et le taux de chômage frôle les 40%. La criminalité est responsable de 50 homicides par jour, et 5,5 des 48 millions de Sud-Africains sont séropositifs. La mission du futur président sera compliquée par la crise mondiale. L'Afrique du Sud semble prête à entrer en récession pour la première fois en 17 ans. L'opposition restait condamnée aux seconds rôles. Le Congrès du Peuple (Cope), formé en décembre par les dissidents de l'ANC, n'est crédité que de 7 à 12% des intentions de vote. Quant à l'Alliance démocratique (DA), ancienne opposition sous l'apartheid, elle peine à convaincre les électeurs noirs. Elle pourrait toutefois remporter la province du Western Cape (ouest).