Le public était au rendez-vous ce dimanche 12 février à 17h au 4è Art avec la première de la pièce chorégraphique « Fausse couche », une nouvelle production du Théâtre National Tunisien. La chorégraphie et la mise en scène sont de Néjib Khalfallah. Le spectacle fut touchant et fort, mettant en scène huit danseurs-comédiens qui se sont produits sur les planches ensemble, en solo, en duo ou en trio, pour interpréter des situations touchant à la situation actuelle du pays, cinq ans après la Révolution. Durant plus d'une heure, face au public, sur un plateau nu, sans décor, à part les lumières tantôt vives tantôt tamisées, les danseurs s'adonnaient corps et âme à leurs gestes et mouvements, donnant libre cours à leur corps souple et agile qui ne cessait de s'agiter, s'étirait et vibrait au rythme d'une musique expressive. Des tableaux de danses consécutives et sans trêve, comme si on voulait exprimer la succession des événements sociaux et politiques qui se sont enchainés progressivement dans le pays. « Fausse couche », lit-on dans le synopsis, est un miroir de notre société en transition, une chronique de nos espoirs avortés. Course derrière le butin, discorde, fuite en avant et arrivisme ont pris le pas sur la citoyenneté, l'intérêt commun, l'essor du pays. D'une gestuelle fluide, positive vers l'expression de la destruction, de l'angoisse, de la lutte pour la survie. La scène comme lieu de prise de conscience, de positionnement sur l'ici et maintenant ». En fait, dans cette chorégraphie, c'est le corps qui s'exprime sur les incorrections et les imperfections de la société tunisienne actuelle, sur l'effet boomerang qu'a connu la Révolution qui a promis monts et merveilles aux jeunes et aux citoyens, restés jusqu'à maintenant sur leur faim. La fin de la scène où l'on voit les danseurs se défaire de leurs habits en les jetant au lavoir pour être nettoyés constitue une sorte de prise de position quant à l'avenir de la Tunisie dont les citoyens doivent reconsidérer leurs rôles et leurs devoirs envers leur pays pour un avenir meilleur ! D'ailleurs, tout au long de la pièce, les mouvements corporels présentés, quoique métaphoriques, sont bien construits et admirablement exécutés, donnant ainsi une image réelle de notre société. Le public a suivi la pièce avec beaucoup d'attention et dans le silence total. Cela va de soi, car l'expression par le corps semble plus difficile à comprendre que celle exprimée à travers parole ; en effet, une pièce chorégraphique ouvre la voie à l'imagination et à des interprétations diverses et peut fructifier les points de vue chez les spectateurs. Cependant, elle donne à réfléchir, à se poser des questions tout en enrichissant l'expérience d'audience et de réception. Bref, bonne note pour les interprètes Mariem Bouajaja, Emna Mouelhi, Senda Jebali, Wafa Thebti, Marwen Rouine, Wael Marghni, Bedis Hachech, Nejib Khalfallah et à toute l'équipe technique et artistique qui a veillé à la création de cette pièce.