Couvert de slogans et entièrement réservés aux médias, le hall central du palais des congrès est un lieu d'attente improbable. Le bureau de presse du congrès affiche une interdiction d'accès aux non employés. Le centre de presse ne compte qu'une table et quelques sièges de fortune. Mais une poignée de chargés de communication se pressent de répondre affablement et efficacement à la demande des journalistes... Pour son congrès, le parti Ennahdha serait-il encore en train de surfer entre les règles de la communication moderne et l'expérience d'une communication «spontanée» qui a fait ses preuves en campagne électorale ? Pour la deuxième journée consécutive, la séance plénière et les travaux en commission du 9e congrès du parti Ennahdha se poursuivent à huis clos. Les espaces d'animation et les conférences parallèles se multiplient. Mais les congressistes se font précieux, les pauses déclarations et les nouvelles de la plénière se font rares. En attendant les briefings et les promesses-d'entretiens, les journalistes patientent dans le hall central et l'atmosphère est à l'attente improbable et à la chasse au scoop. Une campagne bon enfant Les points de presse prévus à une fréquence de deux par jour se font attendre... «Je dois à nouveau remuer le projet. J'en parlerai tout à l'heure avec le président élu du congrès. Deux briefings sont nécessaires pour passer l'info autour de ce qui se passe à huis clos...» promet Arbi Soussi. Lui, c'est le web communicateur du parti Ennahdha. Le parti lui doit la création de son site web et une participation active au haut comité de campagne. En temps ordinaire, il tient le site, le blog, Facebook et tweeter... Mais depuis le mois de février, il a été choisi pour assurer la communication autour de la préparation et du déroulement des travaux du congrès et ce sont ces mêmes moyens qu'il met à disposition et ces mêmes réseaux qu'il exploite, la communication directe en sus. Un reporter étranger et une journaliste tunisienne attendent leur tour auprès de lui pendant qu'il répond à nos questions. Il brosse sommairement le tableau de la stratégie et du plan de communication tissés autour de l'évènement. «Avec le blog, le daily motion, le site congresnahdha.tn, c'est bien sur l'aspect événementiel qu'on a axé notre campagne». Derrière lui, opèrent une équipe de jeunes blogueurs et un comité de rédaction. C'est à d'autres jeunes que revient la conception de la charte graphique et de l'affiche du congrès. Il s'agit notamment des designers Yasser Joudi et Mohamed Ali Dhiyat, auteurs de l'affiche figurant l'olivier, les colombes et l'écharpe bleue, symbole du mouvement... Quant au slogan du congrès «Notre avenir est entre nos mains», c'est une jeune, Rabab Atig, qui en aurait eu l'idée. Une campagne bon enfant ? Certes et même un peu trop naïve, de l'avis de cette journaliste syro-américaine, pour un congrès qui, de l'avis même de ses communicateurs se veut historique et posant des questions cruciales autour du double projet social et d'Etat moderne qu'ambitionne le parti. «L'enjeu du congrès dépasse de loin les questions de la chariâa, des droits de la femme et de l'Etat civil, prêche Arbi Soussi. Le parti Ennahdha a pris de l'avance et a tranché sur toutes ces questions. C'est désormais à un palier supérieur que doivent mener les motions de ce congrès... » Parole de congressiste doublée de celle du communicateur, mais qui semble loin d'exprimer les positions, autrement moins tranchées des milliers de nahdhaouis qui se ruent depuis hier sur leur congrès. La parenthèse politique fermée, Arbi Soussi justifie par cette affluence même le désordre qui prévaut encore, ce matin, en matière de relations de presse et de communication. Près de 4.000 visiteurs, contre 1.500 pressentis et 400 journalistes pour 200 accrédités... Une communication de bouche à oreille Alors, en l'absence d'un centre de presse aménagé, d'écrans de transmission, de points de rencontres entre journalistes et congressistes, de briefings, de déclarations et de communications imprimées, place est faite à ce mode de communication artisanale si prisé par le parti Ennahdha. Un pied dans la plénière, un autre dans le hall central, Oumayma et Béchir font partie du bureau de presse du parti et s'emploient le temps d'un congrès à répondre autant que faire se peut à la demande des journalistes. Béchir les briefe sur la séance de la veille qui s'est prolongée jusqu'au petit matin, tandis qu'Oumayma organise leurs rendez-vous avec les congressistes. Même course spontanée et réponse instantanée au cas par cas du côté de Néjib Gharbi, chargé de communication au bureau exécutif du parti. «Notre crédo c'est d'être disponible, d'informer même sur les dossiers délicats et d'éviter la langue de bois...» Mais rien ne filtre du côté de M. communication outre cette dernière édition de la veille médiatique du congrès dans laquelle notre journal n'a pas visiblement droit de cité... «Nous accordons une grande importance à la veille médiatique, mais nous restons opposés aux formes de communication onéreuses et pompeuses qui entament forcément la crédibilité d'un parti se voulant proche du peuple... » Tout est dit sur les choix du parti mais bien des questions restent en suspens, notamment celle de savoir si ce mode de communication «spontané» et populaire qui sied bien aux campagnes électorales intra-quartiers peut participer à la réussite d'un congrès qui se veut historique ? Il est presque treize heures dans le centre de presse du 9ème congrès du parti Ennahdha. Un haut parleur crépite et on croit à une annonce d'actualité. Mais c'est l'appel à la prière du vendredi qui est entonné. Les chargés de com. s'empressent de répondre hâtivement aux questions des journalistes. Ils s'excusent de devoir expédier les dernières demandes pour partir s'acquitter du devoir religieux. La prière du vendredi se fait cette fois sur place et ce ne sont pas les imams de haute facture qui manquent...