Le comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi a révélé de nouvelles informations d'une grande gravité, lors de la conférence de presse tenue aujourd'hui même. Ces informations peuvent renverser la donne dans les affaires d'assassinats politiques perpétrés en Tunisie et même, changer les équilibres des forces politiques sur la scène nationale. Najet Yaâcoubi, membre du comité de défense, a révélé que le juge d'instruction au Tribunal de première instance de Tunis a pu prendre connaissance des documents cachés dans la chambre noire au ministère de l'Intérieur. Suita à quoi, il a porté contre Mustapha Khedher des accusations, principalement, de meurtre avec préméditation ou encore d'association de malfraiteurs en rapport avec des crimes terroristes… En effet, ces accusations viennent à la suite de la découverte de nouveaux indices saisis dans la chambre noire du ministère de l'Intérieur.
Najet Yaâcoubi a, également, indiqué que parmi les documents trouvés, il y avait la reconnaissance de Mustapha Khedher de sa relation avec Ameur Balâazi, et son exploitation, avec d'autres délinquants, dans certaines opérations à l'instar de l'agression des manifestants le 9 avril 2012 à l'avenue Habib Bourguiba au centre-ville de Tunis, l'agression de l'UGTT du 4 décembre 2012, ainsi que des citoyens présents aux funérailles de Chokri Belaïd le 8 février 2013. Il est bon de rappeler que Ameur Balâazi est accusé d'avoir caché le pistolet 9mm utilisé dans les assassinats de Brahmi et Belaïd, en le jetant par la suite à la mer. Il est, également, impliqué dans l'explosion d'une voiture devant le poste de police à La Goulette.
Cela dit, un autre document d'une extrême gravité a été trouvé. En effet, Mustapha Khedher avait informé le ministère de l'Intérieur, à l'époque tenu par Lotfi Ben Jeddou sous le gouvernement Ali Laârayedh, de la disparition du terroriste recherché Aboubaker Al Hakim d'une maison située à Cité El Ghazela à 300 mètres du domicile de Mohamed Brahmi, huit jours avant l'assassinat. Ceci implique, bien évidemment, que Mustapha Khedher était au courant des moindres faits et gestes de Aboubaker Al Hakim. Ce dernier a été envoyé en Syrie, où on suppose qu'il est mort.
D'autres documents dangereux ont été retrouvés, comme celui contenant des instructions pour assurer un accompagnement sécuritaire à Mohamed Aouadi afin qu'il puisse quitter le territoire tunisien. Mohamed Aouadi est, quant à lui, responsable de l'aile militaire de l'organisation terroriste de Ansar Chariâa. Il s'agit, presque, du même procédé utilisé avec Seifallah Ben Hassine plus connu sous le nom de « Abou Iyadh », qui fût, à l'époque accompagné à bord d'un véhicule conduit par un sécuritaire.
Les choses ne s'arrêtent pas là, puisqu'un autre document avait prouvé les relations entre Mustapha Khedher et les services de renseignements italiens lorsqu' il est intervenu en faveur d'un journaliste kidnappé. Cette opération avait, aussi, un lien avec les assassinats. Les services de renseignements italiens auraient-ils un rôle ou des informations préalables avec les assassinats ?
Ainsi, plusieurs données, présomptions et preuves recueillies par le juge d'instruction lui ont permis d'accuser Mustapha Khedher d'être impliqué dans l'assassinat de Mohamed Brahmi, alors qu'il est purgeait une peine de 8 ans dans une affaire de « vol de documents et autres affaires déposées dans un coffre remis à un fonctionnaire de l'Etat ». Elles ont, également, prouvé sa relation organisationnelle et politique avec le mouvement Ennahdha.
Si toutes ces accusations sont établies, cela veut dire que des personnes d'Ennahdha sont impliquées dans ces crimes terroristes, en l'occurrence, les assassinats et l'élimination armée des adversaires politiques. La responsabilité pénale du mouvement Ennahdha devient, alors, avérée, outre ses responsabilités morales et politiques.
Il va sans dire que le comité de défense a réussi à révéler plusieurs données cachées. L'assassinat, notamment, de Chokri Belaïd a engendré la naissance d'une nouvelle spécialité, à savoir l'avocatie d'investigation puisque sans les travaux du comité de défense, l'opinion publique n'aurait jamais découvert toutes les données et les documents qu'on a voulus enterrer.
Et bien que le juge d'instruction qui a mené les enquêtes dans l'affaire de Chokri Belaïd, soit le procureur de la République, cela n'a pas permis la facilitation de l'affaire et la révélation de la vérité. En effet, Koutheir Bouâllegue et Riadha Radaoui ont clairement accusé le procureur de la République, Béchir Akermi d'entraver les processus de la révélation de la vérité. « Nous avons présenté des dossiers concernant l'infrastructure organisationnelle de l'organisation secrète et tous les détails. Nous pensons que le ministère public n'est pas en train de jouer son rôle et tente d'enterrer un crime, au point d'y participer ». Et d'ajouter : « Jusqu'à présent, le ministère public empêche l'ouverture d'une instruction judiciaire et se contente d'enquêtes préliminaires en usant de subterfuges juridiques ». Me Radaoui a considéré qu'il y a une volonté politique pour que Béchir Akermi prenne en charge toutes les affaires de terrorisme, accusant le mouvement Ennahdha d'être derrière cela.
Toutes ses accusations qui touchent la crédibilité « de ceux qui ont volé le ministère public », peuvent porter atteinte au parquet, qui comporte malgré tout cela des magistrats compétents, crédibles et équitables. Cela veut, également, dire que le juge n'est plus la source de la vérité, ce qui est grave. « L'avocatie d'investigation » joue un rôle dans l'affaire, chose qui a amené le président de la République à présenter l'affaire devant le Conseil de la sûreté nationale. D'ailleurs, la justice a été contrainte à ouvrir une enquête bien qu'elle ait affirmé, un jour avant, qu'elle ne répond pas aux conférences de presse. Le ministère de l'Intérieur avait, quant à lui, démenti l'existence d'une chambre noire. Les documents contenus dans cette chambre ont été saisis par le juge d'instruction du bureau 12 au Tribunal de première instance de Tunis.
En tout état de cause, l'affaire des assassinats et de l'organe secret d'Ennahdha, ainsi que l'ère de violence vécue par la Tunisie, sont en train de se dévoiler au grand public et devant la justice. Malgré le fait que la Tunisie regorge de juges intègres et compétents, il est possible que la vérité soit soumises aux contraintes des transactions politiques. Cela dit et en dépit des entraves et des obstacles, seule la vérité est révolutionnaire, il viendra le jour où elle éclatera.