Le leader libanais Hassan Nasrallah est décédé vendredi dernier suite à une pluie de bombes israéliennes. Cette mort tragique a permis, si besoin est, de montrer une nouvelle fois une certaine hypocrisie et une incroyable incohérence, aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. Avant son élection, le président Kaïs Saïed ne parlait que de soutien indéfectible à la Palestine. Pour lui, disait-il, la normalisation avec Israël serait une haute trahison. Après son élection, et après avoir barré la route au projet de loi criminalisant la normalisation, Kaïs Saïed n'a même pas été en mesure de déclarer un deuil national, de mettre les drapeaux en berne, ni même de publier un communiqué de soutien et d'envoyer un message de condoléances. Hypocrisie ? Incohérence ? Indécence ? Cochez la case que vous voulez. À l'international, quand les Ukrainiens combattent les envahisseurs Russes, on les appelle des résistants. Quand un Ukrainien meurt sous les bombes russes, on l'appelle victime, on arrête tout et on ne parle que de lui. Quand les bombes russes tuent des civils ukrainiens, on qualifie Vladimir Poutine de terroriste. À l'inverse, quand le Hamas et le Hezbollah combattent l'envahisseur israélien, on les appelle des terroristes. Quand des milliers de Libanais et de Palestiniens meurent sous les bombes israéliennes, on les appelle morts et on leur consacre une dépêche et quelques secondes d'antenne. Quand les bombes israéliennes tuent des civils libanais et palestiniens, on applaudit et on soutient Benyamin Netanyahou. Hypocrisie ? Incohérence ? Indécence ? Cochez la case que vous voulez. Hassan Nasrallah est décédé, paix à son âme. Sa mort ne tuera cependant pas la résistance palestinienne et l'abnégation libanaise quand bien même la planète entière joue à l'autruche et pratique le deux poids deux mesures.
Nous sommes à J-6 de la présidentielle et l'ambiance électorale est loin d'être festive. On est loin, très loin, des élections de 2011, de 2014 et de 2019. Point de débats, points de confrontations directes, point de meetings, point de programmes, point de projections, point de sondages. L'ambiance est morne, voire morbide. Le régime de Kaïs Saïed a tué la démocratie et cela se voit à l'œil nu. Il a tout fait pour que la journée du 6 octobre soit un non-événement. Il a tout fait pour décourager les citoyens d'aller voter dimanche prochain. Le régime nous a volé les deux principaux acquis de la révolution, la démocratie et la liberté.
Pour ceux qui viennent de prendre le train en marche et ceux aveuglés par les discours pompeux de Kaïs Saïed et ses aficionados, je rappelle en quelques lignes comment le régime a transformé la fête électorale en cérémonie funéraire. Il a éliminé un à un ses rivaux, en faisant jeter les uns en prison et en faisant priver les autres de leur fichier de casier judiciaire. Il a lui-même nommé les membres de l'instance électorale ce qui jette le doute quant à l'indépendance et l'intégrité de celle-ci. Il a mis à sa botte l'ensemble des médias publics et une partie des médias privés, transformés, d'un coup, en outils de propagande à son service. Il a jeté à la poubelle la décision du tribunal administratif de réintroduire dans la course trois candidats à la présidentielle. Il a poussé au silence les instituts de sondage et il a éliminé les observateurs notoires et les plus crédibles. Il a fait jeter en prison un de ses deux derniers rivaux à la présidentielle en le noyant sous les poursuites judiciaires montées de toutes pièces. Au vu du précédent du tribunal administratif et craignant que ce dernier invalide les élections, le régime a fait changer la loi électorale à dix jours du scrutin, afin d'éliminer le tribunal administratif des recours électoraux. À chacun de ces points, il y a de quoi crier au scandale et reporter, sine die, les élections, tant le viol de la démocratie et l'atteinte au droit sont flagrants. Le régime continue comme si de rien n'était, en dépit des multiples polémiques et manifestations. Kaïs Saïed ne se soucie même pas de sa propre incohérence lui qui dénonçait, en 2019, l'amendement de la loi électorale l'année de l'élection et qui, il y a à peine sept mois, assurait que la loi électorale n'avait pas besoin d'amendements. En 2024, il a promulgué la loi en moins de 24 heures et a félicité le président du parlement et ses députés d'avoir sauvé la Tunisie du danger. Mais qui, pardi ! a mis le pays en danger ? Pour mémoire, en 2020, il a mis neuf jours pour signer la loi relative au Covid, alors que les morts se comptaient par dizaines. Pour saupoudrer toutes ces violations, ces incohérences et ces indécences, les partisans de Kaïs Saïed s'attaquent en toute impunité à tous ceux qui critiquent Kaïs Saïed. Ils accusent de traitrise médias, élite et opposition et injurient, en les citant nommément, les juges administratifs. La Tunisie, pour cette présidentielle 2024, ne ressemble plus à un Etat de droit, elle ressemble à une salle de jeu.
Au casino, pour signifier l'arrêt des paris, le croupier prononce invariablement une phrase « les jeux sont faits, rien ne va plus ». Au vu de toutes les violations du régime, les jeux semblent déjà faits, la voie est grande ouverte pour que Kaïs Saïed rempile pour cinq ans. Mais cela ne veut pas pour autant dire que rien ne va plus, car la Tunisie ne doit pas être considérée comme un casino. Quand bien même elle en serait un, il ne devrait pas y avoir de place pour les tricheurs. Les casinos n'aiment pas les tricheurs et se donnent toujours le mot, pour les pourchasser dans toutes les salles du monde. Comme les résistants palestiniens, comme les courageux libanais, comme Hassan Nasrallah nous nous devons de résister jusqu'à la mort. La Tunisie, notre Tunisie, nous doit bien cela. Le 6 octobre, il faut obligatoirement aller voter. Il ne doit pas y avoir de bulletin blanc, le taux de participation doit être élevé. Si vous êtes pour Kaïs Saïed, vous vous devez de signifier votre soutien par le bulletin de vote. On doit connaitre la popularité exacte du président sortant. Si vous êtes contre Kaïs Saïed, vous vous devez de résister et de signifier votre contestation par le bulletin de vote. Si le régime entend encore manœuvrer le 6 octobre, il est impératif de lui rendre plus rude sa tâche et de le pousser à la faute. Les Libanais et les Palestiniens sont en train de mourir pour leur indépendance et leur liberté, on se doit, à minima, d'aller voter pour reconquérir les nôtres confisquées par le régime. On se doit d'aller voter par respect pour nos martyrs qui ont donné leur sang et leur vie pour que l'on obtienne ce droit. En tout état de cause, l'absence n'a aucun sens. On l'a d'ailleurs vu aux dernières législatives. Le très faible taux de participation de 11% n'a nullement empêché les députés de siéger et de légiférer. En tout état de cause, tout citoyen se doit de manifester sa voix quelle qu'elle soit. Dimanche prochain, soyez citoyen, allez voter ! Bonne semaine à tous !