On ouvre la télé sur les chaînes occidentales et on a l'impression que tout a commencé un certain samedi 7 octobre 2023. Aucune contextualisation, rien. Israël est victime du Hamas, classé terroriste par ces mêmes pays occidentaux. C'est simpliste, aucune nuance. Pourquoi aller plus loin ou expliquer la situation dans son contexte global ? Non, ça viendrait à discréditer l'histoire que les médias occidentaux s'apprêtaient à nous raconter. Et cette histoire, elle pue. Et ce récit médiatique qu'ont nous vend, il donne la nausée. La machine s'est emballée depuis ce samedi fatidique. D'abord, tout est dans la sur-émotion. Certains journalistes de CNews ont même éclaté en larmes en plateau. Une avalanche d'images de colons kidnappés ou tués, en boucle. On est pris à la gorge. Un être humain normalement constitué ne peut rester de marbre face à la mort d'autres êtres humains. Ce qui interpelle toutefois, c'est qu'on n'a pas souvenir de tel emballement quand des Palestiniens sont décimés depuis des décennies. Rien que pour l'année 2023, entre janvier et septembre, plus de 300 Palestiniens sont morts sous les balles et les bombardements de Tsahal dans l'indifférence la plus totale. Pour les colons israéliens, on met des visages sur les noms, on nous invite à nous identifier à eux. Les victimes palestiniennes ne comptent pas. Ils n'ont pas de noms, ils ne sont qu'une masse informe à laquelle les médias dénient même la possibilité qu'on s'y identifie ou de ressentir une toute petite once d'empathie à leur égard. Les journalistes les plus « empathiques » s'apitoieront sur ces pauvres Palestiniens pris en otage par le méchant Hamas et utilisés comme boucliers humains. D'autres auront un soupçon de condescendante compassion en nous disant que « les Palestiniens ne sont pas le Hamas ». Voyez le glissement dans les notions. Ce n'est plus Israël qui assassine des milliers de gens coincés dans la plus grande prison à ciel ouvert du monde, non ! Ce n'est pas Israël qui commet aujourd'hui et depuis plus de 70 ans un génocide, mais le Hamas.
Certains diront que c'est étonnant de la part de médias libres évoluant dans des pays démocratiques porteurs des valeurs humanistes, à travers lesquelles ils se permettent de donner des leçons au reste du monde. Ce n'est absolument pas étonnant. Non. Cela a été toujours le cas et ça le restera, tant que les intérêts de ce Monde dit libre convergeraient en Israël, en Ukraine ou ailleurs. Défendre une cause juste ou les droits humains est à géométrie variable, ne vous y trompez pas. Ce Monde dit libre a toujours soutenu, et soutient encore, des régimes dictatoriaux qui oppriment les libertés les plus élémentaires de leurs peuples. Parce que ça sert tout simplement leurs intérêts, ils ferment les yeux sur les abus. Donc ne soyez surtout pas étonnés. On a pu assister à un emballement médiatique ressemblant lors du déclenchement de la guerre russo-ukrainienne. Le fait est que cette fois-ci, on constate que le rouleau compresseur médiatique est plus violent, plus intense. On a passé un cap dans l'abjection. Sur les plateaux, les tromperies et les mensonges par omission s'enchaînent toutes les secondes. On a à peine le temps de s'indigner et d'objecter qu'on nous plonge dans un marécage de déformations et dans les à-peu-près volontaires. Le contexte est gommé, l'Histoire est niée, les partis pris et les effets rhétoriques se succèdent et gare à celui qui relève les approximations ou les incohérences. Tout s'enchaine à une vitesse effrénée, telle qu'on ne laisse pas le temps à l'esprit du téléspectateur ou auditeur d'analyser et de peser le pour et le contre. Oubliée la déontologie, oubliées les valeurs, oubliés les principes et l'éthique. On enrobe les éléments de vérité dans le mensonge et c'est pleinement assumé.
Au moment où une tragédie se déroule, que des crimes de guerres sont commis, les médias libres gardent le silence sur les exactions et régurgitent les discours de leurs dirigeants. De mémoire, un tel niveau de propagande n'a jamais été atteint même avec les guerres en Irak ou le 11 septembre. Le matraquage médiatique, on connait. Mais pas à ce point, où on est témoins de médias qui trompent leur auditoire sans scrupule aucun. Les « gros » mots sont de sortie. Israël a le droit de se défendre et donc on ferme les yeux sur les violations à la pelle du droit international et de tous les droits humains. Complices, ça détourne les yeux de l'opinion publique en lui ressortant des termes qui choquent : pogrom, extermination du peuple juif, guerre religieuse et surtout au détour des tournures, on nous balance, l'antisémitisme. On aurait dit un remake des Croisades. On fait tout pour gommer la tragédie palestinienne qui se déroule sous les yeux du monde complaisant. On emploie tous les moyens pour décontextualiser à l'extrême, comme si la résistance palestinienne qu'on taxe de terrorisme est venue de nulle part. Dans ce torrent de propagande, les rares voix qui refusent d'absoudre Israël et ses crimes, les rares voix qui remettent le récit dans son contexte historique, sont attaquées, lynchées, traitées d'islamistes ou d'antisémites ou de terroristes. Derrière ces réactions violentes, on le sent suinter ce racisme anti-arabe bien enfoui sous le vernis du politiquement correct, on les sent ses réflexes de l'ancien colonisateur qui dénie tout droit aux peuples opprimés.
L'hypocrise est telle qu'en se référant au traitement médiatique de la guerre russo-ukrainienne, les incohérences se compteraient par centaines. On dénonce un crime de guerre qui ne devra pas rester impuni, quand la Russie bombarde des infrastructures civiles ukrainiennes. On s'insurge de l'utilisation d'armes interdites, notamment le phosphore blanc. On condamne que des civils aient été privés d'électricité, d'eau, de nourriture, de médicaments… et on applique des sanctions. Mais tout cela se déroule actuellement en Palestine et en plus ce n'est pas une première, cela a toujours été le cas. La machine médiatique se déconnecte sciemment de la réalité pour mieux déconnecter l'opinion publique des vérités. À ce stade, on ne peut plus parler d'une rhétorique du deux poids deux mesures, il s'agit tout bonnement de faussaires de l'Histoire qui consacrent la suprématie du récit occidental. Tous ces médias, tous ces journalistes ne disent pas qu'Israël a compissé sur tous les droits internationaux, en occupant les territoires palestiniens et en assassinant, dans l'impunité, les populations. C'est aujourd'hui encore une fois aux yeux de tous ouvertement assumé et on applaudit et on salue l'interdiction de manifestations et on n'a aucune honte à qualifier le fait de montrer un drapeau palestinien d'acte antisémite.
Depuis 48, les Palestiniens sont déportés, expropriés, emprisonnés, persécutés, torturés, assassinés… sans que les médias du Monde libre ne s'y attardent vraiment comme ils le font aujourd'hui pour les morts israéliens. C'est que toutes les vies ne se valent pas pour ces gens-là. Cette propagande médiatique, fait éhontément abstraction de l'occupation. Elle fait abstraction de la politique d'apartheid que subissent les Palestiniens et renvoient ces derniers dos à dos avec les Israéliens, alors que c'est eux qui subissent le terrorisme d'Etat raciste aux relents théocratiques. On nous matraque avec cette expression de conflit israélo-palestinien, alors que ce n'est que colonisation. On dénie à un peuple opprimé et spolié par la force des armes et l'appui des puissances mondiales, de résister par tous les moyens qui lui sont possibles. Pourtant, on encourage les Ukrainiens à résister et on les aide, mais eux ne sont pas taxés de terroristes quand ils résistent.
Inaudibles sont ceux qui portent encore la cause palestinienne dans sa dimension humaniste et universelle. Ils ressentent l'impuissance face à une puissante machine qui a ancré la sémantique sioniste dans l'inconscient collectif. Alors, dans cette tempête de mensonges et de déni historique, résister c'est aussi se souvenir et garder sa lucidité et surtout, surtout, son humanité. Force aux Palestiniens qui font face à la mort et à la désolation. L'issue tragique de ce nouvel épisode meurtrier est écrite d'avance. Le patron de Tsahal n'avait-il pas dit qu'ils allaient anéantir ces « animaux humains » et personne parmi ces médias défenseurs des libertés et des droits de l'Homme ne s'en est offusqué.