Des élections auront-elles lieu dans le pays? À sept semaines de l'échéance, rien ne semble indiquer que plus de neuf millions de Tunisiens sont appelés à choisir leur président pour les cinq années à venir. Hormis l'effervescence exagérée, mais habituelle, sur les réseaux sociaux, le pays réel semble totalement vivre à son propre rythme et selon son propre agenda : celui d'un pays méditerranéen qui n'a pas fini de languir sous le soleil de l'été mais qui s'apprête à affronter les problèmes de transport avec la reprise de la double séance et les difficultés financières avec la rentrée scolaire. À croire que tout le monde s'est mis d'accord pour que ces élections se déroulent en catimini comme si on se résignait à une forme de fatalité ou si on avait honte à l'avance des résultats qui pourraient en découler.
Les élections auront-elles lieu le 6 octobre prochain ? Assurément ! Mais des élections pas totalement comme on en voit ailleurs dans les pays démocratiques ou comme on a eu la chance de connaitre dans notre pays entre 2011 et 2019. La prochaine élection présidentielle aura lieu à la manière de l'Isie, de son donneur d'ordre et de ses sous-traitants. Elle aura lieu dans un climat de morosité politique extrême. Des dizaines d'hommes et de femmes politiques, de membres de la société civile, d'avocats, de journalistes ou, simplement, de citoyens qui s'intéressent à la chose publique, se trouvent aujourd'hui emprisonnés, harcelés, privés de leur liberté, d'un jugement équitable et, parfois même, de leur droit aux soins. Parmi eux, plusieurs sont des opposants au pouvoir en place qui ont annoncé leur intention de se présenter à l'élection présidentielle.
Face à eux, il y a l'Isie, cette instance des élections qui cristallise le mécontentement tellement elle gère mal et arbitrairement le processus électoral. Elle s'est même donné le droit d'exiger des conditions de candidature nouvelles. Elle a été aidée par le ministère de l'Intérieur content de rendre du bulletin N°3 un véritable parcours du combattant pour les candidats et par le tribunal administratif qui a été, contrairement à son habitude, la grande déception de cette partie du parcours électoral. En effet des recours auprès du tribunal administratif ont été rejetés pour une photo d'identité manquante ou pour avoir donné un document en format PDF alors que le tribunal administratif lui-même insistait il y a quelques années pour que les requêtes des citoyens lui soient remises dans ce format.
Y aura-t-il une compétition entre les candidats ? On ne saura répondre avec exactitude qu'avec le début officiel de la campagne électorale dans quelques jours. Pour l'heure, on peut assurer qu'il n'y aura pas une grande compétition puisque, sauf grande surprise, il n'y aura que trois postulants pour la magistrature suprême. Il y a le président de la République sortant, candidat à sa propre succession, qui a entamé sa campagne sur les chapeaux de roue, utilisant les moyens de l'Etat et profitant d'une entrevue avec son ministre de l'Intérieur pour taxer ses concurrents de traitres et de collaborateurs avec l'étranger. Face à lui, il y a le leader du mouvement Echâab, Zouhair Maghzaoui que les années de soutien à Kaïs Saïed ne lui ont pas épargné les tracasseries au point de lui interdire une réunion avec les militants de son propre parti politique. Il y a aussi le candidat surprise, Ayachi Zammal, président du mouvement Azimoun, qui se trouve carrément harcelé par des affaires de parrainage et à qui on ne semble pas pardonner d'avoir pensé à tourner la page comme le suggère son slogan électoral.
Reste la grande question : Y aura-t-il des électeurs pour glisser les bulletins de vote dans les urnes le 6 octobre prochain ?