La situation des finances publiques est de plus en plus atterrante. Depuis plus de quatre ans, les observateurs, économistes et gouvernants n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme. Certains prédisaient la faillite même de l'Etat tunisien. Aujourd'hui l'étau se resserre de plus en plus et le gouvernement Essid ne cache pas ses craintes quant à son incapacité relative de payer les salaires des fonctionnaires et d'honorer ses engagements à l'égard des créanciers. Slim Chaker, ministre des Finances et Chedly Ayari, Gouverneur de la BCT lancent en ce sens un pavé dans la mare. La question qui se pose est la suivante : ces S.O.S traduisent-ils les signes précurseurs à une volonté politique de légitimer les lignes de crédits à entreprendre et les mesures d'austérité à observer sinon à barrer la route aux négociations salariales ou autre chose? Le gap budgétaire ou le besoin de financement du budget est estimé à 7,5 milliards de dinars. Un chiffre connu et n'est aucunement une surprise pour le gouvernement Essid qui déplore le lourd héritage du gouvernement Jomâa. On s'attendait plutôt à un plan d'actions urgent et à des mesures préétablies permettant de résorber le déficit budgétaire et de faire face aux glissements dangereux des finances publiques. Au-delà des constats calamiteux, nous attendions, du moins du parti au pouvoir-Nidaa Tounes des solutions imminentes et non pas des lamentations et une invisibilité. Quand Slim Chaker, ministre des Finances s'interroge : comment parviendra-t-on à couvrir les dépenses budgétaires au titre de l'exercice 2015 et quand le Gouverneur de la BCT met en garde contre le risque d'insolvabilité de l'Etat : que peut-on attendre de l'Etat ? Le paradoxe Rappelons qu'au cours de la conférence de presse tenue le 29 janvier 2014 après la levée sur le marché international d'un emprunt obligataire de 2 milliards de dinars , Hakim Ben Hammouda, ex-ministre de l'Economie et des finances a affirmé avoir peaufiné le plan de financement budgétaire pour l'exercice 2015. Il assurait que le gouvernement a mobilisé un emprunt intérieur de 3 milliards de dinars relatifs aux bons de trésor. Le reliquat, soit 4,5 milliards au titre de besoins budgétaires sera mobilisé comme suit : 1er trimestre 2015 : les 2 milliards de dinars mobilisés sur le marché international ; 2ème trimestre : les prêts FMI/BM, 3ème trimestre : émission de sukuks islamiques. Après plus d'un mois des affirmations sus-indiquées, les choses ont-elles changé au moment ou paradoxalement le ministre des Finances s'interroge sur les moyens à même de résorber le gap budgétaire. Au cours de la même conférence Chedly Ayari BCT a affirmé que le niveau d'endettement extérieur s'avère soutenable et maîtrisable en Tunisie, ne dépassant pas les 46% du PIB et qu'historiquement la Tunisie n'a jamais failli à ses engagements envers ses créanciers. L'endettement extérieur : la seule planche de salut Les décideurs confrontés au dilemme du tarissement sont-ils en train de légitimer les lignes de crédits contestées dont le dernier accord de crédit de 300 millions d'euros (650 millions de dinars) approuvé il y a deux jours par l'ARP. Il s'agit en fait, d'un mémorandum d'entente d'assistance macro-financière (AMF) et d'une convention de prêt d'un montant de 300 millions d'Euros conclue entre la Tunisie et l'Union Européenne. Malgré la contestation de ce projet de la loi par certains députés qui reprochaient les conditions contraignantes dudit crédit, la loi est passée sans la moindre difficulté et avec la majorité réconfortante. Le problème c'est que ce prêt tout comme les 2 milliards de dinars levés sur les marchés internationaux ne sont pas mobilisés pour financer les projets d'investissement mais sont malheureusement destinés aux finances publiques aux dépenses salariales et à couvrir les besoins exceptionnels de la balance des paiements. Par ailleurs, il semble que le crédit de 650 millions de dinars est assorti de conditions contraignantes dont la mise en application de réformes structurelles dictées par le FMI et des préalables administratives à l'instauration de l'ALECA (accord de libre-échange complet et approfondi) avec l'Union Européenne. Entre temps avec l'inertie accablant l'appareil productif, le blocage des investissements, la hausse des dépenses budgétaires, l'endettement servirait-il d'échappatoire conjugué à un mal nécessaire faute d'alternatives décisives?