« Imposer des restrictions au droit de grève porte atteinte aux libertés individuelles et collectives », affirme Mouldi Jendoubi secrétaire général adjoint de l'UGTT Le Contrat social signé le 4 décembre 2012 défendait le respect du droit syndical et du droit de grève, sans restrictions La Constitution en cours d'élaboration remettra-t-elle en cause les libertés syndicales ? Les travaux de la Commission des Droits et des Libertés au sein de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) trainent dans leur sillage des mesures restrictives menaçant les libertés syndicales. L'article 122 consacré au Droit syndical traite du droit de grève où il est mentionné qu' il est garanti tant qu'il ne présente pas un danger pour la vie, la santé ou la sécurité des personnes. Mouldi Jendoubi, secrétaire général adjoint de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) considère que le fait de ne pas reconnaître de façon absolue et claire le droit de grève, en lui limitant des restrictions est une manière de porter atteinte aux libertés individuelles et collectives dont le droit de grève. Ce n'est pas dans la Constitution qu'on définit les limites procédurales à l'exercice du droit de grève. Elles sont étayées dans le Code de Travail. Pour éviter que les choses n'aboutissent à une impasse, la principale centrale syndicale a écrit à la Commission des Droits et des Libertés pour lui exprimer son opposition à cette formulation du droit de grève. Elle lui rappelle que l'UGTT a participé activement au mouvement de libération nationale par des grèves décisives contre l'occupant. L'assassinat de Farhat Hached était la réponse du colonisateur à l'action syndicale. Après l'indépendance les grèves se sont poursuivies pour l'intérêt national, comme en 1965, ou le 26 janvier 1978, durant les années 80 et les grèves régionales qui ont précédé le 14 Janvier 2011, ainsi que la dernière grève générale contre la violence et les assassinats politiques qui avait suivi l'assassinat de Chokri Belaïd. A l'UGTT, on considère que les grèves ne sont pas un choix syndical stratégique, mais une réaction légitime contre l'obstination des pouvoirs publics. Mettre des limites au droit syndical touche la liberté d'expression et d'organisation. Il démolit les fondements de la transition démocratique et de la construction de la Tunisie moderne où les partenaires sociaux agissent de concert et en partenariat. Il serait bon de rappeler que toutes les tentatives passées de limiter le champ d'intervention de l'UGTT avaient conduit le pays dans des situations de crise dont il aurait pu s'en passer. Ces troubles s'expliquaient par la volonté du pouvoir en place de limiter la marge des libertés individuelles et collectives et d'inféoder les associations pour ouvrir la voie progressivement au despotisme et au fait accompli. A l'UGTT on considère que la limitation du droit syndical et surtout le droit de grève en évitant de l'exprimer de façon claire dans le brouillon de la Constitution est un pas en arrière. C'est un coup porté au Contrat social signé par le Gouvernement, l'UGTT et l'organisation patronale UTICA, sous le patronage de l'Organisation Internationale du Travail (OIT). Le Contrat social signé le 4 décembre 2012 défendait le respect du droit syndical et du droit de grève, sans restrictions. L'ANC et le Gouvernement doivent raccorder leurs violons. L'UGTT hausse le ton et soutient que limiter le droit syndical et le droit de grève est « une négation des objectifs de la Révolution, ses principes et du rôle des syndicalistes et leur participation dans l'histoire du pays et la Révolution du 14 janvier ». Les locaux de l'UGTT dans les différents coins de la République avaient bien abrité les Assemblées Générales populaires qui avaient précédé les manifestations. Le doute entache la volonté du nouveau pouvoir d'assurer la transition démocratique et respecter ses engagements signés dans le contrat social. Ce virage remet en cause certaines valeurs morales comme le respect de la parole donnée et des accords signés. Considérer que le droit de grève est nuisible pour l'intérêt national et la sécurité des citoyens cela traduit une volonté implicite d'entraver l'action syndicale, cherchant à la ligoter légalement pour l'anéantir par la suite. « Sans faire de procès d'intention, les agressions et les violences subies par l'UGTT, ainsi que les discours hostiles à la Centrale syndicale est un des maillons détruisant les bases de la Démocratie et légitiment une nouvelle dictature », lit-on dans la lettre adressée par l'UGTT à la Commission des Droits et des Libertés au sein de l'ANC. Les auteurs de cette lettre rappellent que l'intérêt national et la sécurité des citoyens ne passent pas par la confiscation des droits et des libertés, cela laisse la porte ouverte à un retour de la dictature. L'ancien pouvoir faisait ce genre de chantage entre libertés individuelles et sécurité. Au sein de l'UGTT, on considère que la nouvelle Constitution si elle ne garantit pas réellement la démocratie et le pluralisme, sera un simple texte appartenant à l'histoire et dépourvu de légitimité. Et si la Commission des Droits et des Libertés maintienne sa formulation de l'article 122, comment réagirait l'UGTT ? Il est plus que sûr que les démocrates de tout bord au sein de la Constituante, interviendront pour rectifier le tir.