Certes, c'est le destin qui en a voulu ainsi, mais le drame n'était-il pas évitable ? On est en droit de se le demander, en tout cas, en prenant connaissance des péripéties et des contours de la présente affaire de suicide qui a choqué et plongé dans la consternation, avant-hier, tout le personnel de la Compagnie tunisienne de navigation (CTN). Et pour cause ! Une malheureuse succession de refus et de rejet de revendications, apparemment légitimes et compréhensibles, ont poussé un pauvre quadragénaire à mettre fin à ses jours d'une manière atroce. Un drame qui n'a pas manqué de susciter l'indignation, sinon la vindicte des collègues de la victime, ces derniers se sentant marginalisés et désavoués, au même titre que le malheureux Ahmed A. D'après les premiers éléments d'une enquête qui ne fait que commencer, le quadragénaire serait monté jusqu'au 5e étage des locaux abritant l'entreprise, avant de se lancer dans le vide. Avant de toucher le sol, le corps du désespéré aurait percuté une sorte de devanture à base de zinc, ce qui a provoqué un vacarme assourdissant, ajoutant au désarroi du personnel de la société. Tout le monde aurait alors accouru pour voir ce qui en retournait au juste, mais pour assister finalement à un spectacle horrifiant et désolant. La malheureuse victime aurait été, surtout, atteinte à la tête. Le choc était apparemment si violent que le pauvre quadragénaire n'y a pu survivre, puisque rendant l'âme juste à son arrivée à l'hôpital. Mais pourquoi, en fin de compte, ce geste de désespoir ? D'après les témoignages recueillis sur place, le drame serait lié à un quelconque sentiment d'injustice ressenti par ce membre du personnel, lequel après tant de dévouement au service de la compagnie, n'aurait pas trouvé son compte. Une carrière longue, très longue s'étalant sur une vingtaine d'années qui n'ont manifestement pas pesé lourd. Le malheureux fut promu, certes, chef de bureau il y a douze ans, mais depuis plus rien. Il a beau solliciter une promotion à laquelle il avait droit, or on n'a fait que le ballotter au gré des humeurs des responsables successifs de son département. En désespoir de cause, il aurait fini par solliciter une mutation à un autre service que le sien, souhaitant faire partie de celui de l'armement, rien non plus de ce côté. On faisait toujours la sourde oreille. Pis encore, une responsable lui aurait fermé la porte au nez au cours de la semaine dernière. Dur de se sentir dans la peau de quelqu'un désavoué, dénigré ou encore carrément désappointé. D'où ce malheureux geste…de révolte.