Le gouvernement a déposé le projet de la loi de finances 2025 auprès de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du Conseil national des régions et des districts. Une version du PLF a fuité sur les réseaux et chez les médias et les nouvelles dispositions ont très vite fait de provoquer un tollé de réactions, chez les experts et les entrepreneurs. En cause, notamment, la révision des taux appliqués au revenu des personnes physiques... Au lieu des cinq paliers mentionnés dans l'article 44 du code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et des sociétés, le projet de loi de finances 2025 en propose désormais sept. Au lieu d'appliquer un impôt de 26% aux personnes dont le revenu annuel se situe entre 5.000 et 20.000 dinars, le PLF 2025 propose deux paliers : un premier avec un taux de 15% pour les personnes ayant un revenu annuel entre 5.000 et 10.000 dinars et un second avec un taux de 25% pour les personnes ayant un revenu annuel entre 10.000 et 20.000 dinars. Le projet de loi propose aussi de diviser le palier comportant un taux de 32% pour les personnes ayant un revenu annuel entre 30.000 et 50.000 dinars en deux. Ainsi, un impôt de 33% sera appliqué pour les personnes ayant un revenu annuel entre 30.000 et 40.000 dinars par an et de 36% pour les personnes ayant un revenu annuel entre 40.000 et 50.000 dinars par an. Enfin, le texte propose de réviser à la hausse le taux appliqué pour les personnes dont le revenu annuel dépasse les 50.000 dinars. Il passera de 35% à 40%. Le professeur universitaire et expert en économie, Ridha Chkoundali, a livré un premier commentaire sur le projet de loi de finances 2025 en ces termes : " En attendant une lecture scientifique du projet de la loi de finances 2025, je pense que celui qui a proposé ce changement du barème de l'impôt sur le revenu, croyant que cette proposition sert la justice sociale, ne connaît rien de la réalité tunisienne et du revenu nécessaire pour vivre décemment, vu l'effondrement du pouvoir d'achat du citoyen tunisien. Les plus grands bénéficiaires de cette mesure seront la tranche comprise entre 5.000 dinars et 10.000 dinars par an, soit au maximum 833 dinars bruts et environ 650 dinars nets, l'augmentation selon mes estimations sera de 40 à 60 dinars par mois puisque la réduction proposée de la prestation est de 26 % à 15 %. Cette catégorie du peuple tunisien, autour de laquelle s'articule cette mesure pour consacrer le principe de la justice sociale, n'est pas la classe moyenne, mais une classe pauvre qui mérite une telle mesure. Cependant, les plus grandes victimes de cette mesure sont le segment supérieur à 40.000 dinars par an, soit plus de 3.300 dinars bruts par mois, à peu près entre 2.000 et 2.700 dinars nets, et la réduction de leurs salaires pourrait dépasser, selon mes estimations, 100 dinars par mois. C'est la classe moyenne qui est la première touchée par cette mesure puisque l'augmentation du rendement se situe entre 4 et 5 points pleins. Lorsque la classe moyenne d'une société est touchée, l'économie perd un moteur important, le seul qui tourne encore malgré la tentative de la Banque centrale de le perturber avec des taux d'intérêt élevés. Cette mesure sera la goutte d'eau qui fera déborder le vase de la série de mesures qui ont provoqué la récession économique que nous connaissons aujourd'hui. Sinon, il n'y aura pas de changement dans les autres tranches. Cette mesure, si elle est adoptée au parlement, ne servira pas la justice sociale, mais distribuera plus de pauvreté aux Tunisiens et poussera les talents tunisiens à s'accrocher à l'immigration comme seule solution pour améliorer leur pouvoir d'achat". Le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Riadh Chaoued, a affirmé que la loi de finances 2025 met l'accent sur le renforcement des politiques sociales et vise à soutenir les groupes vulnérables. Il a ajouté que l'aspect le plus important du projet de loi est de poursuivre le rôle social de l'Etat en fournissant des lignes de financement pour soutenir tous les segments, y compris les travailleuses agricoles et les personnes handicapées. Le ministre a ajouté que le PLF 2025 s'attache également à soutenir les mécanismes de l'emploi et à stimuler l'investissement, relevant notamment la création d'une ligne de financement pour les entreprises privées à hauteur de 20 millions de dinars, afin de répondre aux besoins de financement d'un plus grand nombre de ces entreprises et d'encourager la création de projets et d'emplois. Il a exclu, dans une déclaration accordée à la Tap, l'existence de mesures d'austérité soulignant que le projet de loi de finances sera examiné cette année, pour la première fois, devant l'ARP et le Conseil des régions Le secrétaire général d'Attayar, Nabil Hajji a posté : "Dans le projet de loi de finances 2025, le taux d'impôt sur le revenu, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à vingt millions de dinars a été porté de 15 à 25 %. Nous insistons sur le fait qu'il s'agit d'un impôt sur le chiffre d'affaires et non sur le volume de transactions. Beaucoup d'hommes d'affaires et certains capitalistes libéraux y voient une mesure injuste et arbitraire. Je leur rappelle qu'il y a quelques années, le taux était de 25 % minimum pour toutes les entreprises, quel que soit leur chiffre d'affaires. Le gouvernement Mechichi a baissé le taux au nom de l'encouragement à l'investissement. L'investissement a augmenté ? non. Qui a gagné ? l'économie ? non. Je vous rappelle que l'employé paye au moins 26 % de son salaire en impôts, soit plus que les entreprises. Et pas sur les bénéfices comme les entreprises. Non, sur les revenus. Je vous rappelle que la TVA est payée par le consommateur et non par l'entreprise. Je vous rappelle que la taxe douanière est payée par le consommateur et non par l'entreprise. Je vous rappelle que la taxe sur la consommation est payée par le consommateur et non par l'entreprise. Enfin, rappelons qu'un actionnaire d'une entreprise ne paie que 10 % sur les bénéfices de ses actions, quel que soit le montant de ses revenus, alors que le plafond du pourcentage d'imposition d'un salarié est passé de 35 à 40 %. Toujours sur les revenus". Le fondateur de la startup Swiver, Azzam Soualmia, a également commenté l'augmentation de l'impôt sur le revenu. "Nous aimerions savoir jusqu'à quand va durer cette politique de pression sur le secteur privé et où ils veulent en venir. Les gens qui rédigent la loi, où vivez-vous ? Quand allez vous enfin comprendre? Le pays repose sur le secteur privé, qui prend des coups depuis des années et qui, chaque année, subit encore plus de pression" a-t-il posté sur les réseaux sociaux.