Le 18 février 1972, la Tunisie perdit un de ses fils valeureux qui, toute sa vie durant, consacra son génie et sa force au service de son pays. Ali Zouaoui, décédé dans un terrible accident de la circulation le 18 février 1972 au moment où il vaquait à ses occupations nombreuses nécessitant de déplacements multiples et quotidiens à travers le pays, demeurera l'exemple du militantisme authentique et exemplaire. Il allia la compétence à l'engouement, deux qualités qui valurent au défunt le respect et l'admiration de tous. Sa mémoire restera à jamais gravée dans l'esprit de tous ceux qui, comme Ali Zouaoui, sont convaincus du sacré devoir de se consacrer corps et âme au service de la communauté. Rappeler son œuvre c'est rendre hommage à une figure de notre temps. C'est surtout puiser dans son exemple le modèle d'un vrai patriote, d'un responsable aux qualités exceptionnelles. Voici ce qu'écrit Sadok Zmerli dans son Tome 2 " Figures Tunisiennes " dans la partie consacrée au regretté Ali Zouaoui. Cet homme éminent que la Tunisie a soudainement perdu et qu'elle pleure unanimement aura été à la fois, un grand commis, un administrateur hors pair et un technicien consommé, doublé, à ses moments de détente, d'un sportif averti et déterminé, un cœur sensible à toutes les détresses qu'il n'hésitait jamais à secourir ou à en atténuer les effets. Débordant d'optimisme, de générosité naturelle et de foi, il assumait avec le sourire les plus lourdes responsabilités, et se pliait, sans se plaindre aux obligations contraignantes, que les circonstances ou les besoins de ses charges multiples et variées lui imposaient à tout moment. Cet homme de Cabinet, habitué à la réflexion créatrice, à l'étude méthodique et sérieuse des dossiers donnés à son jugement, à l'analyse des problèmes monétaires tunisiens ou internationaux, à la confrontation des théories financières divisant le monde contemporain, ne croyait pas, cependant, de voir s'isoler du dehors, et s'échappait souvent de sa banque pour courir, à travers la Tunisie, en quête d'information, d'éclaircissement et de vérification, avant de prendre une décision quelconque pouvant être capitale pour la vie économique du pays. Aussi est-il infiniment déplorable qu'on distrait un travailleur de cette trempe, et de cette valeur pour présider à l'inauguration d'une cellule lointaine, qui aurait pu et dû être confiée à un fonctionnaire moins précieux pour la collectivité. Ce voyage improvisé, entrepris par une journée pluvieuse, sur une route glissante par endroits, aux tournants nombreux et étroits, qui devait le conduire à Tabarka, aura entraîné à la sortie de Mejez-el-Bab, le heurt de la voiture, contre un arbre, déraciné sous la violence du choc, et la mort instantanée de notre grand compatriote et de son chauffeur, retirés à grand-peine, des débris tordus de leur véhicule, réduit en un magma indéfinissable et hideux. Rendre par écrit l'émotion douloureuse que l'événement a provoqué d'un bout à l'autre de la Tunisie est une gageure qu'il n'est pas dans l'intention de l'auteur de ces livres de tenter, persuadé que d'autres l'ont fait, en termes témoignant à la fois et de l'intensité de leur affliction et de l'accablement qui a étreint tous les milieux évolués de la société. Et ceux, innombrables qui ont assisté aux obsèques grandioses et spontanées, qui se sont déroulées le jour de l'enterrement du grand disparu, et auxquelles se sont mêlées toutes les classes de la population, en retiendront le caractère poignant et majestueux qu'a revêtu cette marche silencieuse et émue, l'accompagnant à sa dernière demeure. Nul n'oubliera le spectacle de la foule immense ayant envahi le cimetière du Jellaz, transformé d'un coup, en un forum grouillant et houleux, où jeunes et grands mêlés, avaient tenu à lui rendre un suprême et émouvant hommage. Comme nul, n'oubliera aussi le verbe puissant et évocateur du Ministre de l'Education nationale, retraçant avec une voix souvent coupée par l'émotion, la vie ardente et l'œuvre de cet artisan infatigable de la renaissance et de l'épanouissement économique de sa chère patrie.