Les enfants de Kasserine ont été parmi les premiers à raviver la flamme du soulèvement populaire dont on célébrera le 17 décembre le premier anniversaire. Certains l'ont payé de leur vie et leur ville garde encore la trace de la répression. Noureddine Ichaoui vient lui aussi de Kasserine et il a choisi de lui rendre hommage par les mots. Ecris et crie!, son recueil de 40 poèmes en langue française, qui vient de paraître, est dédié aux martyrs de la révolution, dont un en particulier, Mohamed Souilmi, «éducateur et opposant aux régimes destouriens qui n'a pas pu voir l'œuvre gigantesque de ses élèves», écrit l'auteur dans la présentation. Quand il s'agit d'Histoire, les faits précèdent les idées. Ce recueil vient donc raconter «un événement phénoménal». Le poète insiste sur sa dimension «hommage» à sa ville natale, qu'il dit «maudite, aux yeux des décideurs de ce pays. Oubliée, isolée et marginalisée, depuis Bourguiba, elle continue à souffrir en silence». Mais, par son soulèvement, Kasserine nous a montré que «sous les cendres réside la braise». (Aboulkacem Chebbi). Aux cris qui ont jailli, s'ajoutent les écrits de Noureddine Ichaoui. Il qualifie sa poésie de «triste, parce qu'elle est née dans la souffrance et la douleur, mais exprime aussi une bouffée d'amour, de nostalgie et d'attachement aux valeurs de cette Tunisie que nous aimons à mourir». Toutes ces émotions, on les retrouve dans les rimes de ce recueil. Une plume trempée dans une encre de fierté et d'honneur. C'est un hommage particulier, puisqu'il vient de l'un des enfants de Kasserine, auteur de nombreux manuscrits et de deux romans: Le testament du roi serpent» (2005) et Expressions libres (2006). Aujourd'hui, il soumet au lecteur ces 40 poèmes, qui se réclament à l'évidence, «pour la révolution». Ils s'étalent sur une centaine de pages et on les lit comme on feuillette un album photos, dans un moment où les souvenirs s'enveloppent tantôt de joie, tantôt d'amertume. L'hommage à Kasserine est aussi destiné à une mère qui a vendu son seul bijou à ses enfants qui ne sont pas des voyous... Entre deux poèmes, il y en a toujours un directement adressé à Kasserine: Il pleut sur ma ville, Silence, on tue à Kasserine, Des poèmes pour ma ville. L'auteur s'y exprime parfois comme un indigné, rempli de tendresse envers toutes les composantes de sa ville, parfois comme un spectateur dans l'incapacité d'agir. Ce qui nous ramène à la réalité amère de cette région qui, comme tant d'autres, est à la fois témoin et victime de l'injustice. Pourtant, et le recueil de Noureddine Ichaoui le prouve bien, il y a tant de richesses à en tirer et à mettre en valeur.