Amnesty International craint que la guerre que mène notre pays contre le terrorisme puisse donner un chèque en blanc aux agents de sécurité tunisiens pour légitimer les actes de torture, comme c‘est le cas aux Etats-Unis (Guantanamo) et en Afghanistan La section tunisienne d'Amnesty International a organisé, hier, à Tunis, un séminaire sur «l'achèvement de la lutte contre la torture en Tunisie» où plusieurs défenseurs des droits de l'Homme et universitaires ont animé trois panels: la prévention contre la torture, la responsabilité pénale et la lutte contre l'impunité. M. Lotfi Azzouz, directeur de la section tunisienne de l'ONG, a précisé lors de son allocution d'ouverture que ce séminaire s'inscrit dans le cadre de la nouvelle campagne mondiale «Stop torture» lancée par Amnesty International, le 13 mai dernier. «Nous avons choisi la date d'aujourd'hui pour lancer cette campagne visant à lutter contre la torture et les autres mauvais traitements dans le monde. En effet, cela fait 30 ans que la Convention des Nations unies contre la torture a été adoptée mais malheureusement, la plupart des pays qui ont ratifié cette convention ont failli dans leur mission pour lutter contre la torture et n'ont pas respecté leurs engagements», a-t-il déclaré. Des cas de torture dans 141 pays Selon M. Azzouz, au cours des cinq dernières années, Amnesty International a signalé des cas de torture et d'autres mauvais traitements dans 141 pays dont les deux tiers sont membres des Nations unies. « Si dans les pays démocratiques, les citoyens bénéficient d'une justice intègre qui leur permet de juger leurs tortionnaires, dans les pays où la démocratie laisse à désirer, l'impunité de ces crimes règne en maître», a-t-il renchéri. En Tunisie, d'après le directeur de la section locale d'Amnesty International, on ne peut parler que d'«achèvement de la lutte contre la torture». « Avec l'avènement de la révolution, nous avons cru que la torture allait prendre fin dans nos contrées, malheureusement, malgré la légère amélioration au niveau du cadre juridique, surtout au niveau de la nouvelle Constitution tunisienne qui interdit désormais la torture morale et physique où le crime de torture est devenu imprescriptible. Mais les attentes de la société n'ont pas été satisfaites par ces avancées. », a fait savoir M. Azzouz. Des réformes qui se font attendre Il ajoute : «La définition de la torture mentionnée dans les textes juridiques tunisiens n'est pas la même que celle déjà mentionnée dans les conventions internationales. La loi tunisienne parle uniquement de torture alors qu'elle oublie d'autres formes de maltraitances qui portent atteinte à la dignité humaine. Donc il n'y a pas de concordance entre les deux textes. De plus, la loi tunisienne n'accorde pas suffisamment de garanties aux victimes de la torture». Toujours selon le directeur du bureau local d'Amnesty International, même si la Tunisie post-révolution a adopté le protocole facultatif à la convention de lutte contre la torture et mis en place un mécanisme de prévention de la torture, le texte de loi qui a créé ce mécanisme ne répond pas aux standards internationaux des droits de l'Homme. «Nous remarquons qu'au niveau de l'article 13 de la loi 2013-43 du 23 octobre 2013, portant institution, mécanisme national de prévention de la torture, accorde à l'exécutif le pouvoir d'interdire l'instance nationale d'effectuer des visites inopinées», a-t-il souligné. En effet, cet article prévoit que les visites inopinées peuvent faire l'objet d'une objection «écrite et motivée» pour des «raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves», et les militants des droits de l'Homme tunisiens craignent que cet article ne soit utilisé de façon abusive pour restreindre les prérogatives de cette institution.