Les crimes de torture ne seront plus jamais abolis par désuétude en Tunisie. Les règles de prescription ne sont plus applicables pour ces crimes, classés par la Cour pénale internationale dans la liste des crimes contre l'Humanité C'est mercredi 9 octobre, dans une séance plénière en présence de Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, que l'Assemblée nationale constituante a entériné le projet de loi organique portant création du Comité national de prévention de la torture. Parallèlement, dans le même le texte de loi, a été abrogé le principe de prescription des crimes de torture. Le décret-loi N° 2011-106 relatif aux crimes de torture prévoyait que lesdits crimes ne seront punis que dans un intervalle de 15 ans à partir de la date du dépôt de la plainte. L'article 5 du nouveau Code des procédures pénales stipulait une prescription de 15 ans. Délai au delà duquel l'action en justice n'est plus recevable. C'est précisément cet article 5 qui a été supprimé avant-hier. Il va sans dire que, selon plusieurs experts en la matière, cet article allait à l'encontre des conventions internationales et de la loi de la Cour pénale internationale qui stipule que «La torture est un crime contre l'humanité qui ne saurait être abrogé au fil du temps». Les thèses internationales varient selon les pays, selon M. Ahmed Ounaïs, ex-ministre des Affaires étrangères. Il y a des pays qui ont opté pour l'imprescribilité absolue, par exemple dans les crimes de guerre nazis, a-t-il détaillé. A tout moment, un accusé ayant pris part à cet épisode tragique est jugé. D'autres pays limitent dans le temps les crimes de torture, on ne peut pas dire que, juridiquement, il existe une norme. Tout dépend des situations historiques de chaque société» a-t-il analysé. Pour ce qui est de la Tunisie, l'ancien diplomate précise qu'il est favorable à l'imprescriptibilité, «à tout moment et sans aucun délai, un agent qui a torturé ou a donné ordre de le faire doit être jugé, parce que je suis convaincu qu'une personne qui cède sur ce point est une personne criminelle. Il ne suffit pas que, dans un changement de contexte, elle s'accuse elle-même ou vit dans une prison intérieure pour que cela suffise. Il faut la dénoncer dans la société, il faut montrer son visage, il faut la sanctionner», a-t-il conclu avec fermeté. Maître Mokhthar Trifi, avocat et ex-président de la Ligue des droits de l'Homme, a pris part justement à la rédaction des textes relatifs à l'imprescribilité des crimes de torture. Tout juste après la révolution, nous informe-t-il, l'un des premiers décrets-loi adoptés est celui qui prévoit la ratification par la Tunisie du protocole additionnel à la convention contre la torture. Maintenant que le Comité national de prévention de la torture est créé et que le décret 106 est amendé, il faut amender le Code pénal pour être en conformité avec les nouveaux textes de loi concernant la torture. Pour ce qui est des conventions internationales, la Commission contre la torture des Nations unies a publié plusieurs textes appelant les Etats à inscrire dans leurs juridiction l'imprescribilité des crimes de torture. La Tunisie vient de s'y conformer, mais il reste encore plusieurs étapes», a-t-il conclu. La torture, cet acte abominable par lequel un système s'autorise à infliger des châtiments physiques et des souffrances morales et dégradantes pour soustraire des aveux, punir ou dissuader est le signe qui ne trompe pas des dictatures. Or, la Tunisie est supposée avoir rompu avec un tel régime. Hélas, les dérives de tout genre relevées ces deux dernières années prouvent exactement le contraire.