- «Les membres devront être indépendants, compétents et irréprochables», avertit Abdessattar Ben Moussa, président de la LTDH - «C'est l'une des revendications du mouvement de défense des Droits de l'Homme», rappelle Habib Marsit Le recours à la torture et aux pratiques abjectes sont une atteinte criarde aux droits de l'homme et sa dignité. La communauté internationale a adopté toute une panoplie de textes tendant à éradiquer et interdire la torture en commençant par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme jusqu'aux différentes déclarations de l'Organisation des Nations-Unies. Malheureusement face à l'obstination des tortionnaires, les textes restent lettre morte. Il faut trouver des moyens pour permettre de découvrir très tôt ces pratiques dégradantes. C'est ce qui a incité la communauté internationale à élaborer un protocole facultatif pour la lutte contre la torture et autres pratiques humiliantes et inhumaines. L'article 2 de ce protocole stipule la création d'une commission pour mettre fin à la torture. La Tunisie post-révolution a adhéré à ce protocole. Elle se doit de créer ce mécanisme de prévention. C'est dans cet ordre que le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle a créé une commission formée de représentants des ministères de l'Intérieur, de la Justice, de la Défense et des Droits de l'Homme ainsi que cinq représentants de la société civile et des associations actives dans la lutte contre la torture pour élaborer un projet de loi créant ce mécanisme préventif. Un projet de loi a été préparé et soumis à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) avec recommandation de traiter la question en urgence. Le projet de loi stipule la création d'une commission indépendante de prévention de la torture. Les membres de cette commission auront la possibilité de visiter les prisons, les centres de détention des prévenus, les centres de rééducation des enfants, les centres d'accueil des enfants et tout espace où des citoyens peuvent être placés en mesure privative de leur liberté. Ces visites peuvent être régulières, continues ou inopinées. Ils doivent s'assurer des protections dont doivent jouir les personnes handicapées. La commission doit veiller à l'absence de la torture et des pratiques dégradantes et s'assurer de la conformité des conditions de détention aux normes internationales. Elle reçoit les requêtes et les alertes sur la torture. Elle émet son avis sur les projets de loi et textes se rapportant à la prévention de la torture et des pratiques humiliantes. Elle devra formuler des recommandations pour juguler la torture. Elle disposera d'une base de données statistiques sur les cas de tortures enregistrés. Elle devra participer à des actes de conscientisation sociale des dangers de la torture et des pratiques dégradantes, en organisant des campagnes de sensibilisation, des séminaires et des rencontres. Elle disposera des moyens nécessaires pour mener des études sur la question. Elle dressera des rapports annuels sur la situation de la torture en Tunisie qu'elle présentera au président de la République, au chef du Gouvernement et au président de l'assemblée législative, tout en le publiant sur son site web et au Journal Officiel de la République. Ce comité bénéficiera de l'autonomie financière et administrative et des facilités administratives nécessaires pour l'accomplissement de ses fonctions. Il sera informé des lieux de détention et du nombre des individus privés de leur liberté. Il sera mis au courant des données concernant le traitement des détenus et leurs conditions de détention. Cette commission sera composé de 15 membres dont 6 représentants les associations de la société civile défendant les Droits de l'Homme, 2 professeurs universitaires spécialisé dans le social, un spécialiste de la protection des enfants, 2 représentants des avocats, 3 représentants du Conseil de l'Ordre des médecins dont un psychiatre et un magistrat à la retraite. Ils seront élus par l'assemblée législative et bénéficieront de l'immunité dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Comment sera apprécié ce projet de loi par les militants des Droits de l'Homme ? Abdessattar Ben Moussa, président de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme affirme au Temps, que « l'idée en elle-même est bonne. Toutefois, il faut que les membres qui vont composer cette commission doivent se signaler par leur indépendance, compétence et intégrité et qu'ils ne soient pas désignés sur la base de répartition partisane ou politique. Le diable se faufile à travers les détails ». Habib Marsit militant des Droits de l'Homme et ancien président de la section de Tunis d'Amnesty International, considère dans une déclaration au Temps que l'idée de créer pareille commission est « bonne ». Il rappelle qu'il s'agit d'une des revendications du mouvement de défense des Droits de l'Homme. Les militants des Droits de l'Homme sont favorables à la pénalisation de la torture. « La mise en pratique de la lutte contre la torture se fait à travers ce genre de commissions. C'est une action qui doit se faire en amont et en aval. La prévention se fait en visitant les prisons, les centres où se font les interrogatoires, les postes de la garde nationale. Elle se fait aussi par les activités de formation, d'éducation et de sensibilisation. Le prohibé peut se faire. Quand ça se passe aux Etats-Unis ou en France, des enquêtes sont ouvertes et les fautifs payent pour leurs délits. Ça doit être le cas en Tunisie ».