Par Abdelhamid GMATI Ce lundi 14 janvier sera célébré le deuxième anniversaire de la Révolution. Diverses activités ont été prévues. D'abord, au niveau officiel, il y aura une session extraordinaire à l'Assemblée nationale constituante, en présence des trois présidents (République, gouvernement, ANC) et d'invités étrangers, qui prendront la parole pour souligner l'importance de l'événement, et ce, à partir de 11h. Auparavant sera signé le pacte social entre l'Ugtt, l'Utica et le gouvernement. Plusieurs manifestations auront lieu, initiées par les partis politiques et les organisations de la société civile. Au menu : des réunions politiques, des programmes culturels, des animations de rue et des marches populaires. Sera-ce la fête ? Rien n'est moins sûr au vu de la situation qui prévaut dans le pays. Mais ce sera une occasion pour rappeler aux uns et aux autres les raisons et les objectifs de cette révolution. Chacun en profitera pour marquer sa présence et exprimer ses revendications. Cela a commencé vendredi dernier avec le Hizb Ettahrir qui a manifesté devant l'ANC pour exiger l'inscription de la charia dans la Constitution. Un jour auparavant, alors que les magistrats organisaient une marche pacifique devant la même ANC pour revendiquer l'indépendance de la justice, quelques manifestants ont, eux, brandi des slogans pour dire «au nom des pauvres, non à l'indépendance de la justice» et «un juge au paradis, deux juges en enfer». Une des marches prévues pour ce lundi est celle initiée par le président de l'Association centriste pour la sensibilisation et la réforme, qui veut exiger que l'on sépare les garçons et les filles à l'école. Le même, l'inénarrable Adel Almi, organise ce même jour un festival de prêche, avec la collaboration de l'Union des oulémas musulmans et de plusieurs autres associations islamiques. Dans un pays musulman, il est toujours bon de prêcher la bonne parole, c'est à dire évoquer et expliquer la parole de Dieu. Mais quelle parole vont prononcer nos prêcheurs ? Ils n'ont pas attendu ce festival pour nous donner un aperçu de leurs sermons. Le sieur Adel Almi nous avait éclairés en août dernier sur les bienfaits de la polygamie. Il avait affirmé que, se basant sur des dossiers et des études sérieuses, «certaines maladies peuvent être évitées grâce à la polygamie. L'utérus n'est purifié, scientifiquement, qu'au bout de 130 jours d'abstinence sexuelle, sinon la femme risque d'avoir un cancer du col de l'utérus. C'est pourquoi la polygamie peut la protéger contre cette maladie, puisque l'époux peut lui accorder un “congé" en allant vers les autres épouses. Il s'agit là de vérités scientifiques». Le cheikh Béchir Ben Hassen, salafiste d'obédience «scientifique», a, dans une conférence au Palais de Carthage, décrété que «la grève est haram». Le cheikh Rached Ghannouchi, grand chef des prédicateurs, a estimé, au mois de mai dernier, que «le principe en Islam est la monogamie ; la polygamie a été autorisée comme solution à des problèmes sociaux posés essentiellement en temps de guerre. Le problème aujourd'hui en Tunisie est la désaffection des jeunes pour le mariage à cause du chômage; il faut donc leur créer des emplois pour qu'ils puissent se marier». Le cheikh Ali Rabii estime, lui, «qu'il n'est pas permis au conducteur ni au passager d'une voiture de porter ce que l'on appelle la ceinture de sécurité, car cela va à l'encontre de la volonté d'Allah, de la fatalité et de la destinée». Un autre cheikh déconseille d'avoir une roue de secours dans sa voiture car «prédire l'avenir est haram». Un autre, conseillant les personnes souffrant du diabète, leur donne ce conseil : «Ne mangez pas de morceaux de sucre par paire; n'en prenez qu'un, trois, cinq mais ne dépassez jamais les 7 morceaux». A Mahdia, on a refusé un imam parce qu'il était originaire de Ksour Essef. Mais les prédicateurs, qui foisonnent depuis une année, ne se trouvent pas seulement dans les mosquées. On les trouve un peu partout, parmi nos gouvernants et ailleurs. On pense même organiser un concours du bêtisier. On en a entendu de bien belles cette année. On se rappellera : «Les pierres étaient importées, ne venant pas de Siliana»; «Joyeux Noël aux juifs tunisiens»; «On les attendait par devant, ils sont venus par derrière» ; «Les salafistes qui ont attaqué l'Ambassade américaine sont en réalité des gauchistes qui se sont fait pousser la barbe»; «La plupart de nos importations proviennent de l'étranger ; «Les cadavres étaient en état de décès»; «Il est mort par arrêt cardiaque»; «Les carcasses des moutons étaient en fait celles de phoques»; «Réserver un local dans chaque gouvernorat où les martyrs pourront se rencontrer et dialoguer»; «J'espère qu'un jour on aura des plages rien que pour les femmes»; «Qu'on soit d'accord, la femme est un être humain»; ou encore cet animateur d'une émission télévisuelle, sermonnant un époux qui avait battu sa femme, lui donna ce conseil : «Vous auriez pu vous contenter de lui donner une petite gifle». On pourrait continuer longtemps à rappeler les dires de nos nouveaux prêcheurs. Avec le festival qui s'annonce, il y en aura bien d'autres. C'est probablement là le principal apport de cette dernière année. Rappelons toutefois cette autre perle répétée plusieurs fois : «Celui qui n'a pas voté pour Ennahdha est un hérétique». Ce qui veut dire que la majorité du peuple tunisien est composée d'hérétiques, de mécréants. Il est vrai qu'un musulman sait que Dieu le protège, alors qu'un islamiste croit que c'est lui qui protège Dieu.