Aux dires d'Adel Almi, président de l'”Association centriste de sensibilisation et de réforme”, la polygamie constitue non seulement une “revendication populaire” mais notamment possède des vertus thérapeutiques avérées contre le cancer du col de l'utérus, arguant que la science a établi que “l'utérus n'est purifié qu'au bout de 130 jours d'abstinence sexuelle“. Autrement dit, et à contrario, la femme reste souillée 130 jours après un rapport sexuel. Comme quoi la semence mâle est, dans tous les cas de figure, un vecteur d'impureté, voire un fluide truffé d'agents pathogènes. Face à telles conclusions, dignes d'un grimoire de charlatan, Il y a de quoi tomber à la renverse. Il est quand même bizarre, pour ne pas dire abject, que chaque fois qu'un apprenti prédicateur ouvre la bouche, il épingle en premier lieu la femme, notamment ses attributs féminins, son bas ventre comme source intarissable d'inspiration. Une quasi-fixation. De vrais anatomistes en vadrouille ! Un souci constant d'aider la femme à s'épanouir dans sa vie sexuelle. On grimpe toujours le mont de venus, à défaut de gravir le col de la sagesse. Toujours le raccourci libidinal en guise de réflexion. Si ce n'est le clitoris à mutiler, c'est l'utérus à protéger, toujours pour le bien de la femme. Le niqab serait, parait-il, un puissant remède contre la teigne ou la lèpre. Bestiole sexuelle, objet d'appétence et de discorde, la femme est un être inférieur réductible uniquement à son organe intime. Les femmes ne manquent-elles pas naturellement d'intelligence et de foi ( ناقصات عقل و دين)? Et à ce titre, l'homme a le droit et le devoir de l'éduquer, de la mener au doigt et à l'œil et de la mettre sur le droit chemin à coups de poings ou de baston s'il le faut. 130 jours d'abstinence sexuelle comme traitement anti-tumoral, soit ! Il aurait été plus simple de demander à l'homme de consentir un tel sacrifice pour préserver la santé de sa douce moitié au lieu de l'encourager à multiplier les épouses. Foutaise ! L'ordre machiste ne décrète l'abstinence que pour la femme, l'homme, par définition maitre souverain, fait déjà preuve de grande charité en honorant son épouse pour l'astreindre à de nouvelles frustrations. Déjà qu'il souffre de la fréquence de ses menstruations, de ses signes sympathiques de grossesse et de ses lubies post-natales. Ce serait autant inhumain qu'injuste de le contraindre à l'abstinence, aussi intermittente soit-elle. En poussant un tantinet le rabâchement, on pourrait prétendre que la solution idéale pour l'application la plus hygiénique et la moins inique de la règle de 130 jours, (et là j'apporte de l'eau aux moulins moyenâgeux d'Adel Almi et ses compères) serait que chaque homme trône sur un harem de 130 femmes. Selon un dispositif de préséance ou par ordre alphabétique ou chronologique, une odalisque offerte comme festin charnel chaque nuit et la santé de son gynécée sera ainsi sauve. Notre bon vieux Adel Almi en rêverait debout ! En plus d'être un sexologue de foire, Adel Almi s'avère un piètre mathématicien. Avec son équation à 130 inconnues, il a très mal calculé son coup, loin s'en faut. Malthus en retournerait dans sa tombe. En effet, il sied à ce sujet de faire deux remarques de poids, compte tenu des menaces d'ordre démographique que cette sulfureuse idée fait courir au monde musulman et à l'humanité : 1- Pour un homme marié à quatre épouses, cet impératif vaccinal de 130 jours d'abstinence sexuelle équivaut à un maximum de 12 rapports sexuels par an, soit un par mois. Quel homme normalement constitué s'en contentera ? même un troisième âge pourrait se targuer être capable d'un meilleur score ! Donc, une ceinture de chasteté sous le crâne assorti d'un droit de cuissage à faire valoir chaque mois. Le cas échéant, la naissance d'un enfant relèverait du miracle. Donner la vie ne serait plus qu'un vœu pieux ou un accident de la nature. Manifestement, Adel Almi s'en moque ! Si on gratte un peu, on trouverait un plaidoyer, à peine voilé, pour l'homosexualité, voire la pédophilie et même la zoophilie tant qu'on y est. 2- 130 jours d'abstinence sexuelle, soit maximum trois rapports sexuels par an pour une femme, est une insondable aberration que seul un esprit tourmenté soit en mesure d'accoucher, et ce non seulement d'un point de vue sexuel et psychique mais notamment en termes de procréation dans ce sens qu'il est établi, selon une récente étude américaine, qu'il faut en moyenne 104 rapports sexuels pour féconder une femme, des raisons biologiques, psychologiques, conjugales et sociales étant avancées pour expliquer ce constat. Donc, si l'on accorde un zeste de crédit à la thèse d'Adel Almi, et compte tenu de ladite moyenne précitée, la femme mettra 40 ans pour pouvoir tomber enceinte, et ce sans tenir en ligne de compte les cycles de l'horloge biologique, notamment la ménopause. Comme quoi, on court tout simplement à l'extinction de la race humaine. De l'avis de notre cancérologue en herbe, la polygamie serait une “revendication populaire” ? Encore un petit pas et il ferait figurer la polygamie parmi les objectifs de la révolution. Il est important d'affirmer qu'en Tunisie, d'un point de vue culturel et social, outre les aspects législatifs, la monogamie est définitivement adoptée, de facto et de jure, et considérée massivement, à juste titre, comme l'unique institution matrimoniale. En revanche, la polygamie est actuellement étrangère à la personnalité tunisienne, désormais intruse à notre manière de vivre et de voir. Le terme même n'est plus cité, tel un tabou, dans la société tunisienne depuis plus de 50 ans. Il a fallu que la mouvance salafiste monte en surface après la révolution, avec son référentiel anachronique et son arsenal idéologique manifestement wahhabite, pour que des pratiques d'un autre âge, comme la polygamie, soient promues et montées en épingle, au mépris de la structure culturelle et sociale d'un peuple qui en semble pourtant définitivement immunisée. Alors que la société tunisienne, dans une large mesure, réclame l'égalité et la parité, voilà que notre fruste cheikh, porte-voix de ses condisciples, fait le lit de la discrimination et plaide pour un cadre matrimonial, archaïque, ténébreux et dégradant, reléguant à la femme au rang de citoyen de seconde zone, de sous-homme sinon d'esclave. On peut s'interroger que dès lors que la polygamie étant interdite par la loi, en faire l'apologie ne constituerait-il pas en soi une infraction attaquable en justice ? N'y aurait-il pas lieu d'invoquer l'atteinte au sacré ? Le sacré s'entend dans son acceptation culturelle et sociale et non religieuse. En conclusion, et quand il s'agit de répondre aux esprits caverneux au sujet de la femme et démonter leur lecture instrumentalisée et déformée de l'Islam, j'aime toujours répéter que la première personne à adhérer à l'Islam est une femme (Khadija), la personne la plus chérie par le prophète est une femme (Aicha), le paradis est sous les pieds d'une femme (la mère), la vie est donnée par la femme. Dans le Coran, Dieu a honoré les femmes par une sourate et non les hommes. Sans compter la sagesse populaire arabe pour qui “derrière tout grand homme, il y a une femme“. Pour paraphraser et jouer des mots, pourrait-on dire que “derrière tout piètre homme, il y a une infâme“, bien entendu, confisquée, soumise et maltraitée.