La Commission de la justice judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle a consacré sa réunion, tenue hier matin au siège de l'Assemblée nationale constituante (ANC) au Bardo, à l'évaluation de son travail depuis son entrée en activité et à la mise en place d'une «feuille de route» pour ses prochaines réunions, en plus de la fixation d'une liste des parties devant être auditionnées par les membres de la commission. Le président de la commission, Fadhel Moussa, (Groupe parlementaire démocratique) a proposé aux membres l'idée d'adresser certaines questions écrites à l'Association des magistrats tunisiens (AMT), au syndicat des magistrats tunisiens et à l'Union des juges administratifs sur les questions afférentes à la réforme du système judiciaire dans le pays, ou d'envisager la convocation, une nouvelle fois, des représentants de ces structures en cas de besoin. Il a, d'autre part, suggéré la présentation par chaque membre de la commission de sa vision concernant l'organisation du pouvoir judiciaire, avant sa discussion ultérieurement. De son côté, le membre de la commission, Néjib Hasni, a soulevé l'interférence des prérogatives de la commission de la justice judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle avec celle des instances constitutionnelles, en ce qui concerne la possibilité de créer un conseil national de la justice en remplacement du Tribunal administratif. Pour sa part, M. Slim Ben Abdessalem (Groupe parlementaire d'Ettakatol) a réaffirmé l'attachement à la création d'un Tribunal constitutionnel chargé des affaires relatives à la constitutionnalité de certaines lois. Il a, également appelé à l'instauration d'une coordination entre la commission dont il relève et celle des instances constitutionnelles, relevant que les dispositions de ces instances ne peuvent faire l'objet de recours que devant le Tribunal constitutionnel. Le président de la commission a proposé l'élaboration de rapports périodiques sur l'avancement des travaux de la commission et leur diffusion à travers les médias «afin que l'opinion publique en soit constamment informée», a-t-il souligné. La commission a poursuivi ses travaux par la fixation de la liste des parties devant être auditionnées, durant l'étape à venir, dont la présidente du Tribunal administratif et le président de la Cour des comptes, outre la proposition de noms d'experts et d'académiciens du domaine, à l'instar du Pr Mohamed Salah Ben Issa, Sadok Belaid et Iyadh Ben Achour. Projet de terminologie De son côté la commission des collectivités publiques, locales et régionales issue de l'Assemblée nationale constituante a poursuivi, hier au Bardo, l'examen des aspects techniques de ses travaux. Selon Tarek Laabidi du groupe CPR, la commission est en train de définir les principaux axes du projet de terminologie qui, a-t-il précisé, ne peut être adopté avant de prendre connaissance des expériences comparées dans les pays arabes et occidentales et d'écouter les avis des experts en développement. La commission, a-t-il ajouté, s'efforcera d'assurer une distribution équitable et équilibrée des ressources financières de l'Etat et à porter un intérêt accru aux régions déshéritées, à travers la multiplication des projets de développement. Déclaration tunisienne des droits de l'Homme et du citoyen Au cours de son audition par la commission des droits et libertés de l'Assemblée nationale constituante, hier matin au Bardo, le professeur de droit à la faculté des Sciences juridiques et politiques de Tunis, Kais Saïed, a suggéré la proclamation d'une «déclaration tunisienne des droits de l'Homme et du citoyen», une déclaration selon lui qui aura un rang supérieur à la Constitution. Il a estimé qu'il serait préférable que l'Assemblée constituante mette en place cette déclaration avant d'être présentée à un référendum. Ce document, a-t-il ajouté comprendra l'essentiel des droits et libertés autour desquels il y aura un consensus et qui ne pourront être révisés ou dépendre du pouvoir législatif lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution. Il a également mis l'accent sur la nécessité de trouver un équilibre entre les différents pouvoirs indépendamment de la nature du pouvoir politique, qu'il soit parlementaire ou présidentiel en plus de trouver un équilibre entre les pouvoirs législatifs et exécutifs et même au sein du pouvoir exécutif quand il est bicéphale. Il a en outre suggéré de mentionner dans la Constitution l'indépendance du pouvoir judiciaire «car les libertés et les droits ne peuvent être garantis que si le pouvoir judiciaire est indépendant sans qu'il y ait pour autant une rupture totale avec le pouvoir exécutif». Il a souligné l'importance de faire participer les représentants de la magistrature à l'élaboration de la loi organisant le pouvoir judiciaire. M. Kais Saïed a également évoqué l'échec de la Constitution de 1959 en raison de la rupture entre le texte et la pratique. Il a appelé dans ce contexte à mettre en place de véritables mécanismes pour garantir ces droits et libertés au niveau de la pratique en la hissant à un niveau qui ne permet pas son amendement. Il a mis en garde contre l'énumération de droits sans garantir leur application dans la réalité. Il a relevé dans le même contexte que la mise en place de mécanismes de concrétisation de ces droits et libertés permet le passage d'un Etat de droit à une société de droit et qu'on ne peut atteindre que si la loi exprime effectivement la volonté collective. Cette séance d'audition a été largement suivie par les membres de la commission mais aussi par des personnes extérieures à l'instar du président de l'Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaâfar, de sa vice présidente Meherzia Laâbidi. Le rapporteur général Habib Khedr, présent également à la réunion, a estimé que les principes généraux de cette «déclaration tunisienne des droits de l'Homme et du citoyen» peuvent être intégrés dans la Constitution avec des dispositions qui assurent que ces articles ne pourront pas être amendés facilement.