La part de l'épargne est passée de 21% en 2011 à 12% actuellement... La toute récente réduction, par la Banque centrale de Tunisie (BCT), de son taux d'intérêt directeur de 50 points de base (ramené à 4,25%) fera, certes, du bien à l'économie du pays mais, dans ce cas, un contre-effet pourrait apparaître qui est de nature à décourager les Tunisiens de recourir à l'épargne. En effet, «le Tunisien ne sera plus encouragé à épargner, vu la baisse dudit taux (...) Le taux d'épargne qui était de 21% pendant les années 2011 et 2012 n'est plus actuellement que de 12%. D'où le manque de financement de l'économie nationale par l'épargne nationale», affirme Moez Joudi, expert et président de l'Association tunisienne de gouvernance. D'après l'expert économique, la chute de ce taux est imputable entre autres au manque d'une politique financière et monétaire claire et bien orientée en la matière, à l'absence d'une stratégie de communication «visionnaire», en plus de la détérioration de la conjoncture économique du pays : un pouvoir d'achat laminé (une baisse à hauteur de 40% sur les quatre dernières années), une masse salariale qui représente 14% du PIB (soit l'un des taux les plus hauts au monde, selon le gouverneur de la BCT, ndlr), une classe moyenne chutant de 80 à 67% et une pauvreté qui touche 21% de la population. Pis encore, une étude de l'Organisation de défense du consommateur montre que plus de 50% des salariés tunisiens se trouvent «dégarnis» une dizaine de jours après le virement de leurs rémunérations. Par conséquent, certains analystes évoquent une hésitation ou une réticence de la clientèle vis-à-vis de l'épargne, tandis que d'autres schématisent ce constat, le qualifiant de migration vers une consommation de plus en plus «suicidaire» (au-delà des dépenses). Les derniers chiffres disponibles en matière de développement des dépôts auprès des banques tunisiennes (Top 12 des banques privées et publiques phares en Tunisie) traduisent cependant un bénéfice net de 338 millions de dinars (MD). Les banques privées dépassent de loin les établissements financiers publics, exception faite pour la Banque nationale agricole, qui a enregistré une hausse d'environ 205 millions de dinars en raison de son étroite et exclusive liaison avec les acteurs du secteur agricole. Pour ce qui est des banques privées, la Banque Zitouna, Attijari Bank et la Biat ont été sur les premières marches du podium en 2015 (selon les dernières statistiques arrêtées en octobre dernier), avec des performances de ressources (épargne) de 282MD, 178MD et 167MD, respectivement. En dehors du livret d'épargne logement (le plus utilisé par la clientèle), un «melting pot» d'offres se propose aux épargnants en fonction de leurs besoins, de la capacité de leurs portemonnaies, du niveau de leurs rémunérations et, parfois, de leurs convictions religieuses (à quoi la Banque Zitouna se propose de répondre). Bien qu'il se calcule suivant la même formule, le taux d'intérêt des dépôts varie d'une banque à l'autre, mais — une chose est sûre — ce taux escorte proportionnellement l'allure générale de la courbe économique du pays (croissance, inflation, etc), outre les indicateurs du marché monétaire et financier mondial. Plusieurs barèmes sont adoptés par les banques tunisiennes afin de séduire une clientèle de plus en plus démotivée par l'épargne. Ce qui met en cause la mentalité même du consommateur, le rapport qualité-quantité de l'offre, la promotion publicitaire ainsi que le degré d'attractivité du taux d'intérêt et son impact par rapport à la catégorie sociale de l'épargnant. Dans ce sens, le choix d'une épargne demeure de plus en plus un casse-tête, vu la diversité des centres d'intérêt et les finalités qui sont derrière : voyages et loisirs, retraite, pèlerinage, études, etc.