La question est sur toutes les bouches, les élections étant prévues avant la fin de l'année. Enfin, en attendant de régler la question – épineuse, très épineuse ( !) – d'un éventuel report de la présidentielle à cause du Mouled. Tous les moyens sont bons pour retarder. Mais si la question « faut-il aller voter ? » a une réponse évidente, celle de savoir quel nom glisser dans l'urne, l'est beaucoup moins. Si vous espérez avoir une réponse à la fin de cet article, vous serez déçus. Si vous espériez avoir une réponse en commençant la lecture, c'est que vous l'êtes déjà. Qui n'est pas déçu ?
Comme en 2014, ceux qui ne vont pas massivement se diriger vers le parti islamiste, ceux qui n'appartiennent pas à un parti donné et qui sont obligés d'aller voter pour, auront encore face à eux un grand dilemme. Encore. Le vote utile de 2014 se transformera en 2019 en vote sanction. L'utilité d'aller voter pour un parti ou une personne uniquement dans le but d'en contrer une/un autre se présente aujourd'hui comme la plus grande des supercheries. Ils se sont foutus de vos gueules en beauté et ça vous le savez. Celle d'un vote sanction n'est franchement pas plus brillante. « Punir » ceux qui vous ont déçus en allant voter pour d'autres, n'est pas le plus sain des choix. Un grand nombre d'électeurs n'ira pas voter cette année. L'euphorie des premiers jours passée, essayez de convaincre quelqu'un de perdre sa journée à aller accorder sa voix à des personnes qui l'ont déjà déçu et dans lesquelles il n'a plus aucune confiance.
Le parti islamiste – encore lui – tire son épingle du jeu et reste en tête selon les instituts de sondage (encore eux). Qu'un parti soupçonné d'avoir dirigé – ou de diriger encore – une organisation terroriste armée ne semble pas ébranler outre-mesure les partisans d'Ennahdha. Il en faudra plus pour faire vaciller leur foi. Difficile à comprendre… En face, des partis aussi peu convaincants que Nidaa Tounes (du moins les miettes) et Tahya Tounes (qui ramasse les miettes) qui nourrissent de grands projets sans s'en donner les moyens d'y parvenir. A côté d'eux, vous avez cette ribambelle de partis et de personnalités politiques aux grands discours, mais aux programmes maladroits et hasardeux et qui n'arrivent pas à s'imposer.
Pour la présidentielle, vous avez le choix entre Youssef Chahed qui prouve que sa campagne électorale est plus importante que les intérêts du pays et Béji Caïd Essebsi qui a prouvé (et reprouvé) que ses affaires de famille sont plus importantes que l'intérêt du pays. De l'autre côté, Abir Moussi, grande gueule et porte-drapeau des Destouriens - une partie des Destouriens - est parmi les favoris à la présidentielle. Son discours semble appâter ceux qui rêvent en secret de mettre leurs adversaires - et au passage ceux qu'ils n'aiment pas - derrière les barreaux, y trouvent refuge. Ceux qui nourrissent le fantasme de re-mettre leurs adversaires politiques en prison, d'appliquer la peine de mort et de gazer tout le monde… Pas à ce point ? J'ai bien dit fantasme, il suffit d'y regarder un peu plus près. En gros, Abir Moussi dépoussière un vieux discours longtemps rabâché et choisit le bon timing pour le remettre au goût du jour. Et Kaïs Saïd, cet outsideur de la scène politique, cet ovni qui attire tellement de sympathie. Le « candidat de l'anti-système » au discours déshumanisé mais qui ne l'empêche pas de surfer sur la vague et venir dire aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre afin de se donner des airs de sauveur. Que le pays ait besoin d'un « sauveur » est, à mon sens, la clé du problème. Peu importe la personnalité compétente, patriotique et honnête qui sera placée au sommet, elle aura les mains liées si le reste ne suit pas. La campagne électorale commence déjà à battre son plein et elle sera ponctuée de nombreux événements qui feront détourner l'opinion publique du cirque donné par leurs aspirants.
Dans ce grand capharnaüm, une seule chose est sûre cependant…il faut absolument aller voter…