Malgré les promesses du gouvernement Chahed, la société pétrolière Petrofac est de nouveau à l'arrêt. Depuis la signature de l'accord entre la société et l'Etat en septembre dernier, et après une petite période de répit, les blocages ont repris, arrêtant de temps à autre la production, suite à l'arrêt des camions et le remplissage des cuves de stockage. Le tout sous l'exaspération de la société mère à Londres qui ne comprend pas comment l'Etat tunisien ne peut pas protéger la société contre une poignée de protestataires. Mardi matin 13 décembre 2016, un PV d'arrêt de production a été signé officiellement, par les deux partenaires Petrofac et l'ETAP. Vendredi 9 décembre, la société a prévenu officiellement son partenaire de ce qui se passe, avant que l'arrêt des activités soit effectif mardi après midi. Avec ce geste fort, la société exprime son mécontentement et celui des Britanniques : il s'agit d'un premier pas avant de déclarer le chômage technique et quitter le pays. Une forme de protestation contre le non-respect du gouvernement tunisien de ses promesses et engagements, et une nouvelle boucle qu'elle entame vu qu'elle a déjà déclaré le chômage technique en juin 2016 et elle avait prévu de quitter le pays au milieu du mois de septembre dernier. D'autre part, et depuis cette annonce, les différentes parties prenantes n'ont pas cessé de se renvoyer la balle. La ministre de l'Energie, Héla Cheïkhrouhou, incombe la responsabilité à la société civile. Pour elle, il est du devoir et de la responsabilité de la société civile d'intervenir, car le gouvernement refuse de recourir à une solution sécuritaire et privilégie le dialogue. Pour sa part, la société civile rejette la faute sur le gouvernement qui traine à appliquer les termes de l'accord. Elle est en train de se concerter avec l'union locale de travail pour organiser une grève générale à Kerkennah. Le gouverneur de Sfax s'est voulu, quant à lui, rassurant soulignant que le gouvernement a tenu tous ses engagements notamment concernant le port (33 MD lui ont été consacrés et les travaux débutent en janvier 2017), le bac ( 18 MD lui a été réservé pour une entrée en vigueur au cours du mois) où la société environnementale qui a été constituée, etc.
Le DG de la société Imed Derouiche a été appelé en urgence à Londres, puis finalement, des sources proches du dossier ont affirmé à Business News que c'est le directeur général du groupe Petrofac, Ayman Asfari en personne qui viendra lundi prochain 19 décembre 2016 pour rencontrer le chef du gouvernement Youssef Chahed et essayer de trouver ensemble une solution. Notre source nous confie, également, que les Britanniques réclament un dédommagement face aux pertes qu'ils subissent, suites aux arrêts répétitifs et préjudiciables.
Pour rappeler les faits, et alors que la société s'apprêtait à quitter le pays juste après la fraîche installation du gouvernement Chahed, une délégation de plusieurs ministres, avec à leur tête le ministre de des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, et suite à une série marathon de réunions, est parvenue a un accord avec les protestataires. Cet accord a été signé le 23 septembre 2016, satisfaisant pratiquement toutes les exigences et les revendications des protestataires même les plus farfelues. Parmi les demandes satisfaites, par l'Etat et par Petrofac, la création d'une société de services et de développement pour la région pour un capital de 2,5 millions de dinars; le recrutement dans la fonction publique de 266 chômeurs diplômés, sur une durée de 3 ans avec un quota minimal de 30% par an. Par ailleurs, l'Etap et Petrofac s'engagent à fournir une enveloppe de 1,5 MD par an au profit du Conseil régional. Les deux parties ont dû abandonner toutes les procédures judicaires entamées contre les habitants de Kerkennah, suite aux différents mouvements de protestation déclenchés depuis le commencement du sit-in le 19 janvier 2016, soient abandonnées. Enfin, les protestataires ont obtenu que leur salaires sur toute la période de leur protestation (de janvier jusqu'à septembre) soient versés. Ainsi et suite à la satisfaction de l'ensemble des revendications, Petrofac Tunisie a repris son activité fin septembre, avec l'engagement ferme du gouvernement que la production de la société ne sera plus perturbée. Seulement plus d'un mois plus tard rebelote ! Certes les protestataires ne s'attaquent plus à la société mais ils empêchent les camions de condensat, un gaz très inflammable, de rejoindre la centrale d'électricité de Sfax, son principal client.
Depuis la reprise de l'activité, les camions ont été empêchés de quitter l'île à 14 reprises. Des pêcheurs, des sans-emploi, des signataires de l'accord, des individus réclamant des faveurs, se sont succédé chacun avec des revendications personnelles. Dernière en date, jeudi 1er décembre 2016, où un individu isolé avait bloqué les camions, réclamant soit un tracteur soit un projet. 3 jours après, deux couples de diplômés ont érigé des tentes dans le port pour empêcher les camions de condensat de rejoindre les bacs. Il s'agit de signataires de l'accord de septembre qui bénéficient déjà de la prime de Petrofac, et qui n'ont pas accepté de ne pas être parmi la première tranche de 30% recrutés par l'Etat suit à la signature de l'accord fin septembre dernier.
On rappelle que chaque jour d'arrêt cause des pertes de l'ordre de 200.000 dollars, à savoir que 80% des revenus de Petrofac reviennent à l'Etat tunisien. En 2010, les ressources tunisiennes couvraient plus de 90% de ses besoins énergétiques, aujourd'hui elles ne subviennent qu'à 50%, à cause de l'arrêt de l'investissement dans ce secteur. Petrofac produit 12,5% des besoins du pays en gaz, soit environ 1 million de m3 de gaz par jour. Son unique client est la STEG qui rachète ses produits 22% moins cher que le prix du marché. Or, depuis l'arrêt de la société, la STEG est obligée de se ravitailler en Algérie....et en devises.
L'arrêt de production de Petrofac intervient quelques semaines après Tunisia 2020. Alors que le gouvernement fait tout pour rassurer les investisseurs étrangers et les convaincre de venir s'implanter dans le pays, cette nouvelle crise entache l'image que veut véhicule en ce moment la Tunisie.