L'économie ce n'est pas trop mon truc. Toutefois, il y a des évidences que même les néophytes peuvent saisir. Il semble que le régime, dans le cadre de sa guerre de libération, soit bien décidé à plumer les citoyens. Les dispositions inscrites dans le projet de la loi de finances 2025 ont été commentées de long en large par les experts. Et ces analyses n'ont rien de réjouissant. Il apparait que la facture de la construction et de l'édification sera bien salée pour les Tunisiens, surtout pour les classes moyennes souffrant déjà d'une paupérisation continue et de plus en plus profonde. Le « nous devons compter sur nos propres moyens », leitmotiv présidentiel qui illustre sa vision de ce que doit être la politique économique de son gouvernement, fait également écho à une méfiance (ou défiance) pathologique envers les supposés nantis. Cet état d'esprit dessine ainsi la philosophie d'une loi de finances qui annonce bien la couleur. Atteindre l'égalité dans l'appauvrissement, en lieu et place de penser à faire tourner la roue de la croissance.
D'ailleurs, permettez la digression, le président a tout récemment théorisé sur le calcul du taux de croissance et a estimé que les éléments utilisés pour parvenir à fixer ce taux doivent être révisés. Son argument est que rien n'expliquerait qu'il y ait eu des soulèvements dans certains pays alors que les taux de croissance dépassaient les 6% voire les 10%. Et de là, il conclut que les taux n'ont rien d'objectif. Et par extension, le 0,6% de croissance enregistré par la Tunisie n'aurait pas lieu d'être, de même que les prévisions annoncées par la Banque mondiale (excusez du peu). On aura beau penser qu'on s'est habitué aux sorties présidentielles, elles arriveront toujours à nous surprendre.
Maintenant, pour ce qui est du « compter sur soi », on va bien le sentir passer. Il existe un contrat implicite entre le citoyen et l'Etat. Le citoyen consent à l'impôt qui permet de constituer le budget de l'Etat, et le gouvernement est chargé de l'allouer aux dépenses publiques et financer les services qu'il offre en retour. La participation obligatoire à cet effort commun doit donc avoir une contrepartie concrète. L'Etat est tenu de dispenser des services publics : de santé qui permettent au contribuable de se soigner aux moindres frais, des transports modernes et disponibles, un aménagement urbain respirable, une administration efficace, un système éducatif digne de ce nom, une infrastructure viable, des produits de bases disponibles, de l'eau véritablement potable et qui ne coupe pas, de l'électricité, un corps sécuritaire dédié au bien commun, etc…
Avec ce projet de loi de finances 2025, le Tunisien travaillera six mois pour l'Etat et six mois pour sa famille. C'est énorme. Mais certains diraient que ceci est nécessaire pour assurer le fonctionnement et la pérennité des différents services publics. Sauf que ce n'est pas tout à fait le cas. C'est même pour boucher les trous dans un budget qui peine à se constituer et les déficits qui s'accumulent. C'est pour financer l'échec et l'amateurisme d'un système qui tue toute possibilité de développement et de croissance. Et surtout la contrepartie pour le contribuable ne sera pas au rendez-vous. Quand face à l'effondrement des systèmes de santé publique et éducatif, cette même catégorie de Tunisiens qui sera plumée, est obligée de se tourner vers le privé pour se soigner et éduquer sa progéniture. Quand de réseau de transport public, il n'y a rien qui y ressemble. Quand l'eau qui sort du robinet (si disponible) exhale l'odeur des marécages. Quand les pénuries des aliments de base se succèdent et que les prix flambent. Quand les détritus jalonnent des rues crevassées. Quand il n'existe pas d'espaces verts ou de loisir dignes de ce nom… Quand et quand et quand… Ces Tunisiens paient de leur poche des services que l'Etat auraient dû leur garantir et ils seront doublement dépouillés.