En 6 semaines, du 4 juillet au 16 août, Slim Chaker, ministre de la Jeunesse et du Sport accompagné de ses hauts cadres s'est déplacé dans trois gouvernorats à Gafsa, Kasserine et Sidi Bouzid parfois dans des conditions assez difficiles comme à Métlaoui, Om Lararayes, Rédaief, Regueb, Tala, Ezzouhour ou Sbeitla où les jeunes ne croyaient plus à rien et en rien. « La première chose que nous avons observée dans ces petites localités était l'absence de toute espèce de dialogue avec les représentants de l'Etat, regrette Slim Chaker, il nous revenait de rétablir le contact avec ces jeunes qui ont fait la révolution. Nous voulions répondre à leurs attentes et à leurs aspirations». Il fallait aussi vivre leur vie et c'est ce qui explique que le ministre et sa délégation étaient hébergés dans les maisons de jeunesse « Le but était de voir comment ils vivaient eux-mêmes au sein des structures qui leurs étaient destinées. Première remarque, les maisons de jeunes dans ces régions ressemblent à des dispensaires, les jeunes ne veulent plus y aller parce qu'ils en sont déçus ». Les raisons sont nombreuses, tout d'abord les maisons de jeunes suivent les horaires administratifs ce qui ne correspond pas aux temps de loisirs des jeunes lycéens et universitaires, en plus elles ne disposent pas du minimum de confort et de commodités. Des éléments de conforts, indispensables aujourd'hui pour attirer les jeunes et leur offrir des espaces de détente loin de la rue, des cafés et d'autres lieux où ils risquent de contracter de mauvaises habitudes comme les cigarettes, la drogue ou être endoctrinés par des idéologies extrémistes ou violentes. « En réalité, ces jeunes ne demandent pas l'impossible, tout juste des espaces climatisés dans des zones très chaudes, des salles munis d'ordinateurs et de lignes internet à haut débit pour communiquer avec le monde extérieur, une grande salle de détente avec une télévision et un récepteur numérique pour suivre les émissions sportives ou culturelles. C'est dans nos cordes et c'est ce que nous avons appelé nous, au ministère le "SMIG jeunes". Nous avons d'ailleurs commencé à le concrétiser en dotant les maisons de jeunes à Gafsa, Sidi Bouzid et Kasserine de ces commodités » indique M.Chaker. Aujourd'hui, on a démarré la rénovation des sanitaires et la refonte des peintures dans des couleurs gaies, fluo et attirantes pour les jeunes afin que le cadre corresponde à leur culture. Des négociations avec les syndicats sont en cours pour que les heures d'ouvertures des maisons de jeunes soient plus flexibles et correspondent à leurs heures de loisirs. Plus loin, aller plus loin encore, c'est ce que voulait le ministère de la Jeunesse et du Sport, en aménageant des terrains multisports dans chacune des localités des gouvernorats et dans les quartiers défavorisés. Objectif, permettre aux jeunes d'exercer des activités sportives et détente comme le foot, le handball, le basketball ou le volleyball. Mais alors que relookage des maisons de jeunes et "SMIG jeunes" vont bon train, la construction des terrains multisports bute sur des formalités administratives paralysantes qui ne vont pas de pair avec la phase exceptionnelle que traverse le pays. Le ministère de la Jeunesse et des Sports ne dispose pas malgré sa bonne volonté des moyens qui lui permettront d'aller de l'avant dans ce programme à cause d'une réglementation lente et compliquée. « Nous ne pouvons pas transgresser la loi au risque d'être accusés de corrompus et de voleurs. Alors qu'il y a urgence. Sur les murs de la maison de jeunes de la Cité Ezzouhour à Kasserine, il y a les photos de 20 jeunes tués lors des confrontations aux mois de décembre et de janvier. Améliorer les conditions et qualités de vie des jeunes de la Cité et leur créer des emplois voudraient dire que leurs amis ou parents ne sont pas morts en vain ! ». La loi dans ce cas de figure devient un blocage tant à l'échelle économique que sociale « Si nous avions le loisir d'éviter les tracasseries administratives et construire des terrains multisports, nous participerons à la dynamisation de l'économie, par l'usage de matériaux 100% tunisiens. Nous créerons de l'emploi parce que nous aurions besoins de professeurs et d'encadreurs sportifs. Nous savons ce qu'il faut faire et nous en avons les moyens mais ce sont des blocages administratifs qui datent de 20 ou 30 ans qui nous empêchent d'aller de l'avant. En fin de compte, en tant que premiers responsables, nous sommes accusés de ne pas assurer alors que nous sommes piégés par la loi » déplore le ministre de la Jeunesse et des Sports. Pourtant, il ne faudrait pas plus de trois semaines pour construire un terrain multisports ! A titre exceptionnel, un décret présidentiel autorisant le ministère de la Jeunesse et du Sport à activer les formalités administratives ou à dépasser certaines d'entre elles, afin de moderniser et équiper les maisons de jeunes, serait peut être plus utile au pays que le décret portant organisation du métier d'avocat pas aussi urgent que ça ! Faire de l'accumulation du capital est mieux que de mettre 100 ou 200 MD sur la table pour remplacer un capital parti en fumée Le ministère de la Jeunesse et des Sports dispose des moyens pour employer les jeunes dans les écoles primaires, les collèges et les lycées : « l'offre et la demande existent, il faudrait tout juste disposer du budget et c'est ce que nous discutons avec le ministre des Finances assez ouvert, mais lui-même soumis à de nombreuses contraintes. Nous rappelons très souvent que la révolution a été faite par les jeunes et qu'ils doivent être prioritaires dès lors qu'il s'agit de la création d'emplois. L'argument que nous avançons est qu'il vaut mieux mettre 100 ou 200 MD sur la table pour édifier des terrains multisports, consolider l'infrastructure du pays et faire de l'accumulation du capital que de les mettre sur la table pour remplacer un capital parti en fumée suite à des actes de vandalisme de jeunes en colère ». La tâche n'était pas aisée pour communiquer avec les jeunes et à chaque fois que les représentants du ministère se déplaçaient, l'accueil n'était pas des plus chaleureux. La toute première réaction à Regueb à Sidi Bouzid était bien évidemment « dégagez, menteurs, nous ne vous faisons pas confiance ». Il fallait tenir avec eux le langage de la vérité, les écouter, leur expliquer et ne pas leur faire de fausses promesses. « La première chose à faire est de parler aux jeunes, ils ont besoin d'être écoutés car ils ont été longtemps marginalisés. Aujourd'hui, au ministère de la Jeunesse et du Sport, une fois par semaine, le ministre et les hauts cadres communiquent virtuellement avec les jeunes. Ils ont créé un site qui leur est dédié « Toute la communication tourne autour de l'emploi ce qui ne laisse pas place à d'autres pour s'exprimer sur des thématiques différentes ». Chaque lundi, le cabinet au grand complet et à sa tête le ministre communiquent avec les jeunes internautes. Toutefois, les échanges virent parfois aux insultes ce qui n'est pas rassurant « Car comment pourrais-je avoir confiance en un éducateur et lui permettre d'encadrer des enfants alors que lui-même, manque d'éducation et de politesse ? » désapprouve Slim Chaker. La colère, le mécontentement et la frustration ne doivent pas nous faire oublier que la discussion et le débat relèvent de l'art de comprendre et de se faire comprendre et que les insultes loin d'établir le contact mènent à sa rupture. Etre sous les feux de la rampe, est dans la Tunisie d'aujourd'hui un acte de courage. Que ceux qui n'hésitent pas à clamer haut et fort que personne n'est indispensable commencent par dresser les listes de ceux qui accepteront de travailler en transitoires avec tous les risques encourus.