TUNIS, (TAP)- De nombreuses zones protégées et parcs nationaux ont fait l'objet d'actes de vandalisme et de pillage après la Révolution du 14 janvier 2011. «Ces agressions ne ciblaient pas la nature, ils ciblaient plutôt les symboles d'une administration autoritaire qui gérait ces aires au détriment des populations riveraines», d'après les conférenciers (sociologues, experts, chercheurs..) intervenant au colloque international, organisé, jeudi à Tunis, par le Club Unesco-Alecso « savoir et développement durable » (CUA-SDD) et l'Ecole Nationale Supérieure de Paysage de Versailles (ENSP), sur le thème «construire l'équité territoriale de la Tunisie ». Ils ont prôné, par ailleurs, une réconciliation entre les populations et ces milieux naturels par le biais d'un nouveau modèle de gestion basée sur une véritable approche participative, ainsi que par la réalisation de projets concrets et créateurs d'emplois. Pour M.Ridha Boukraa, sociologue et farouche défenseur de l'environnement, «l'ancien modèle de gestion des parcs nationaux et des aires protégées, s'est effondré face au premier choc, celui de la révolution». «Ce modèle était imposé et il n'associait pas les communautés riveraines. Celles-ci voyaient ses espaces et ses territoires découpés et gérés sans être associées à la prise de décision ni tirer profit des projets intégrés », a-t-il fait remarquer. Evoquant les exemples de trois parcs nationaux parmi 11,voire ceux de Bouhedma, Ichkeul et Jbil, le conférencier a ajouté que, compte tenu de la vocation agricole et pastorale de certaines aires, les communautés riveraines doivent être associées aux projets qui les ciblent, pour qu'elles s'approprient l'espace et oeuvrent à le protéger elles-mêmes. «Si on ne change pas le système agraire, l'aire protégée reste menacée », a déclaré le sociologue à ce sujet, formulant le souhait de voir les attitudes changer « car tout découpage territorial doit respecter, à son avis, la géographie et les caractéristiques de chaque milieu et de chaque communauté ». L'objectif recherché, a-t-il dit, est de réussir une cohabitation entre les milieux naturel et humain en vue d'assurer un développement durable au profit des deux. Pour Mme.Dhouha Bouraoui, doctorante à la faculté de Montréal, l'absence d'une approche participative aboutit « non seulement à la marginalisation et au malaise général des populations, mais aussi à un gaspillage d'argent et à un refus de toute alternative dictée et imposée par les décideurs ». Mme.Bouraoui qui a travaillé sur la satisfaction des usagers dans le projet de reconstruction d'Erroumani suite aux inondations de 2003 dans la ville de Bousalem (Jendouba), a souligné que ses recherches et ses travaux sur terrain ont montré que des pertes auraient pu être évitées si la population ciblée par ce projet avait été associée à la prise de décision. Le projet de reconstruction d'Erroumani consistait en l'aménagement de logements au profit des sinistrés des inondations de 2003, situés à 6 km de leurs logements endommagés. 75% de ces logements n'ont pas été occupés par les citoyens qui refusaient cette délocalisation «autoritaire et mal étudiée ». M.Sami Ben Haj, membre actif du réseau RANDET (Réseau Associatif pour la Nature et le Développement en Tunisie ),a fait état d'un déficit de communication entre les décideurs locaux, liés à l'administration centrale et les populations voisines des aires protégées. Dans la conjoncture actuelle, « Il faut travailler sur cet aspect et aussi faire face aux besoins urgents de ces populations qui exigent, désormais, des projets concrets et non pas des discours et des initiatives timides », a-t-il dit, faisant le même constat concernant les actes ciblant les parcs nationaux. « Il s'agit d'actes de vengeance qui ciblaient tout ce qui symbolise l'administration, responsable aux yeux des populations rurales, de leur marginalisation », a-t-il souligné. Selon ses organisateurs, le colloque sur l'équité territoriale de la Tunisie s'est assigné pour principaux objectifs d'élaborer une politique environnementale partagée par les habitants, repenser la ville dans son territoire pour une meilleure équité économique et environnementale et accompagner l'éveil de l'espace public tunisien.