La Tunisie a adopté depuis des années une stratégie d'ouverture économique et d'intégration progressive dans le commerce mondial. Un choix qui impose plusieurs défis, et aussi présente plusieurs risques. En effet, la globalisation a accentué l'interconnexion entre les économies. C'est pour cette raison que la moindre crise dans n'importe quel pays, se propage dans toutes les économies. C'est ce qui explique la crise économique actuelle, partie des Etats-Unis pour couvrir toute la planète. Les relations économiques de la Tunisie avec l'espace européen sont très profondes avec 79% de nos exportations et presque 70% de nos importations. C'est dire que la santé de notre économie dépend largement de la santé de l'économie européenne. De ce fait, l'impératif est de suivre à la loupe ce qui se passe de l'autre côté de la méditerranée tout en pensant à la diversification de nos marchés d'exportation. Chose à laquelle la Tunisie s'est engagée, avec une orientation déclarée vers les marchés africains. La crise actuelle, si elle a un mérite, c'est qu'elle a révélé une réalité qui nous passait sous le nez, celle de dire que « Si l'Europe tousse, la Tunisie s'enrhume ». Le « rhume » de l'économie tunisienne commence à se faire sentir, et on doit penser aux remèdes. Des liens économiques étroits : Les relations économiques de la Tunisie avec l'Europe ne sont plus à démontrer. Notre pays est un partenaire privilégié de l'Europe, au niveau des exportations comme au niveau des importations. La Tunisie est le premier pays à avoir signé un accord de libre échange avec l'Union Européenne, qui est entré en vigueur depuis le mois de Janvier 2008. Nous sommes aussi en train de négocier un autre accord concernant l'agriculture et les services. Ceci témoigne d'une confiance dans la solidité de l'économie tunisienne, et surtout la conviction que l'ouverture économique est un moteur de croissance. Au lancement de l'euro, les analystes se sont posés des questions sur l'impact de cette monnaie sur l'économie tunisienne. Certains disaient qu'un euro fort est très nuisible à notre économie, d'autres disaient totalement le contraire. La position la plus défendue fut de dire qu'un euro moyen et stable peut soutenir notre économie. En effet, si on exporte on est payé en euro, donc on a besoin d'un euro fort, et si on importe, on paye en euro, et donc on a besoin d'un euro faible. La logique est simple. Les principaux partenaires de la Tunisie sont surtout la France, l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique. Rien que pour la France, elle représente un marché pour 32% de nos exportations européennes et de 21.4% de nos importations. La France est aussi le premier investisseur étranger en Tunisie, hors hydrocarbure. On compte plus de 1100 entreprises françaises sur nos terres. Autre lien d'attache avec l'Europe, c'est l'existence d'une très grande communauté de travailleurs tunisiens à l'étranger, qui constitue une source importante de flux financiers. On compte plus de 1.1 million de tunisiens à l'étranger dont 83% travaillant en Europe, et qui transfèrent une part de leurs revenus chez nous. Ces transferts connaîtront une baisse considérable cette année vu l'impact de la crise. Une baisse estimée par la Banque mondiale à 5 ou 8%.
L'Europe tousse : L'économie européenne s'est enrhumée, suite aux toux de l'économie américaine. Selon Eurostat (organe statistique européen), tous les indicateurs de l'Europe ont connu une baisse considérable. Les signes d'un malaise économique chez le premier partenaire de la Tunisie, sont multiples. Après des prévisions de croissance légèrement optimistes au début de la crise, toutes les prévisions ont été revues à la baisse. En effet, tout récemment, la Banque centrale européenne a révisé en forte baisse sa prévision de récession en zone euro en 2009, à -4,6%, contre des prévisions qui misaient jusque là sur un recul du Produit intérieur brut de 2,7% cette année. Les derniers chiffres publiés hier, par l'Agence Eurostat, font état d'un recul important dans le PIB de la zone euro et de l'UE des 27. Au cours du premier trimestre 2009, le PIB de la zone euro (ZE16) a diminué de 2,5% et celui de l'UE27 de 2,4% par rapport au trimestre précédent. Au cours du quatrième trimestre 2008, le taux de croissance avait été de -1,8% dans les deux zones. En comparaison avec le même trimestre de l'année précédente, le PIB corrigé des variations saisonnières de la zone euro a enregistré une baisse de 4,9% et celui de l'UE27 de 4,7%, contre respectivement -1,7% et -1,6% au trimestre précédent. Du côté de la production industrielle, elle a reculé de 1,9% dans la zone euro (ZE16) et de 0,9% dans l'UE27 en avril 2009 par rapport à mars 2009. En mars, la production avait diminué respectivement de 1,4% et 1,3%. En avril 2009 par rapport à avril 2008, la production industrielle a baissé de 21,6% dans la zone euro et de 19,4% dans l'UE27. Concernant le volume des ventes commerciales, qui nous intéresse, puisqu'il est en relation avec la consommation des ménages, il a diminué de 0.4% dans la zone euro en mai 2009, par rapport à avril 2009. La baisse est de 0,5% dans l'UE27. En mai 2009, par rapport à mai 2008, l'indice des ventes a reculé de 3,3% dans la zone euro et de 3,1% dans l'UE27. Selon une récente étude, la majorité de consommateurs de la zone euro vont réduire leurs frais, de 7% en moyenne. Il faut rappeler que la consommation représente 57 % du PIB des pays de la zone euro. Son recul de 3,4 % au quatrième trimestre 2008 a contribué au tiers du repli de l'activité de la zone. Au mois de mai dernier la consommation des ménages en France a baissé de 0.2% selon l'Insee (Institut Français des Statistiques) L'un des impacts importants de la crise sur l'économie européenne est sans doute l'augmentation considérable du chômage, avec des vagues de licenciements et fermetures d'usines. La grogne sociale s'est installée dans presque toutes les économies européennes. Les chiffres d'eurostat font état que dans la zone euro (ZE16), le taux de chômage corrigé des variations saisonnières s'est établi à 9,5% en mai 2009, contre 9,3% en avril. Il était de 7,4% en mai 2008. Dans l'UE27, le taux de chômage s'est élevé à 8,9% en mai 2009, contre 8,7% en avril. Il était de 6,8% en mai 2008. Il s'agit du taux le plus élevé dans la zone euro depuis mai 1999, et dans l'UE27 depuis juin 2005. Selon les estimations d'Eurostat, 21,462 millions d'hommes et de femmes étaient au chômage en mai 2009 dans l'UE27, dont 15,013 millions dans la zone euro. Par rapport à avril, le nombre de chômeurs a augmenté de 385 000 dans l'UE27 et de 273 000 dans la zone euro. Comparé à mai 2008, le chômage a augmenté de 5,111 millions dans l'UE27 et de 3,400 millions dans la zone euro. Chez nos principaux partenaires, la situation se présente comme suit : Taux de chômage (%) Pays Mai 2008 Mai 2009 France 7.6 9.3 Allemagne 7.4 7.7 Italie 6.8 7.4 Espagne 10.5 18.7 Belgique 6.6 8.2 Source : eurostat
La Tunisie s'enrhume : Selon les chiffres présentés précédemment concernant l'Europe, l'économie tunisienne a été certainement touchée, ce qui explique les différentes mesures prises au profit des entreprises exportatrices, et qui ont été reconduites jusqu'à la fin de l'année. Les compartiments les plus touchés de l'économie nationale et qui causent ce « rhume » sont : - les exportations, qui représentent 54% de notre PIB national, - Le tourisme qui représente 7% du PIB, - Les transferts des résidents à l'étranger qui représentent 5.1% du PIB, 22.8 % de l'épargne nationale et 45.2 % du déficit commercial. - L'investissement Direct étranger, Selon les dernières prévisions avancées par l'INS, la prévision de progression du produit intérieur brut sur l'année en cours se situerait en deçà des estimations à savoir 4,5%. Elle varierait entre 2.5% et 3%. Après des prévisions de l'ordre de plus de 6% annoncés en 2008, une révision à la baisse jusqu'à 5%, et puis une nouvelle révision à une croissance variant entre 4 et 4.5%. La croissance s'est établie à 1,3% au cours du premier trimestre contre 6,3% un an auparavant. Selon les prévisions du FMI, la croissance du PIB réel de la Tunisie durant l'année en cours serait de 3.3% et de 3.8% en 2010.
Avec une telle situation en Europe, et telle que présentée, difficile de voir nos exportations épargnées. Les principaux indicateurs du commerce extérieur sont tous à la baisse, vu une baisse importante de la demande et de la croissance économique dans la zone euro et l'Europe en général. Selon les chiffres publiés par l'Institut National de la Statistique, les exportations tunisiennes ont baissé de 21,3% durant les 5 premiers mois 2009, par rapport à la même période de 2008. Elles sont passées de 10057 millions de dinars en 2008 (5mois), à 7920 millions de dinars durant la même période en 2009. Durant la même période de 2007 à 2008, les exportations ont enregistré une hausse de 25.4%. Le taux de couverture a quant à lui baissé, passant de 81.6% (5 mois 08) à 80.2% (5 mois 2009). Le solde commercial est négatif de 1950 MD durant le début de cette année, contre un solde négatif de -2263 MD en 2008.
Avec l'été, on s'attend tous à un transfert important de devises de la part de nos expatriés. Mais la crise qui a frappé l'Europe, où 83% de nos expatriés résident, a réduit considérablement leur épargne. En 2007, les transferts réalisés par les Tunisiens à l'étranger, ont atteint 2199 MD, occupant la quatrième position en matière de ressources en devises après les exportations du textile, de l'habillement, du cuir et des chaussures, les exportations des industries mécaniques et électriques et les entrées du tourisme. La baisse de ces transferts est estimée entre 5% et 8% à l'échelle mondiale.
L'autre volet touché par « les toux économiques » de l'Europe est le secteur du tourisme. Selon Les chiffres officiels, les recettes touristiques de la Tunisie durant les cinq premiers mois de l'année en cours ont augmenté de 3% par rapport à la même période de l'année écoulée, pour atteindre environ 1.098 milliard de dinars. Durant cette même période la Tunisie a accueilli 2 284 000 touristes, soit une augmentation de 1,3% par rapport à la même période de 2008. La situation semble maîtrisée à ce niveau mais c'est surtout grâce aux entrées des algériens et des libyens, dont on attend qu'ils atteindront plus de 2 millions cette année. Les principaux clients européens de la Tunisie qui sont les français et les allemands enregistrent une baisse de leurs réservations, parce que préférant le tourisme local, faute de budget.
Le « rhume » économique de la Tunisie semble s'installer, vu les « toux » de l'Europe. La Tunisie a toujours eu « les anticorps » nécessaires pour vaincre toute maladie. L'essentiel pour cette fois, n'est pas de trouver les remèdes seulement, mais aussi de tirer les conclusions, et prendre les mesures qui s'imposent pour le futur. Il s'agira surtout de diversifier nos exportations et les marchés d'exportations, et de chercher de nouveaux marchés d'approvisionnement. Il sera aussi important d'instaurer une véritable industrie du tourisme, avec une bonne qualité pour une meilleure rentabilité.
