Entre les centrales syndicale et patronale, l'heure n'est plus aux amabilités et à la courtoisie, comme ce fut le cas lors du dialogue national ayant mis fin à la crise politique consécutive à l'assassinat du député Mohamed Brahmi, mais à un duel à fleurets mouchetés. En cause : le lancement d'un nouveau round de négociations sociales dans le privé. Le courrier adressé récemment par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) à l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) pour réclamer le démarrage de ce nouveau round de dialogue social suscite en effet de fortes réserves auprès des patrons. Selon des sources dignes de foi, les chefs d'entreprises représentant l'ensemble des secteurs d'activité économique ont exprimé, lors d'une réunion tenue au siège de la centrale patronale, des réticences très marquées quant à l'octroi de nouvelles augmentations salariales aux quelque 1,5 million d'employés exerçant dans le secteur privé en ces temps de baisse de la productivité, de multiplication des mouvements sociaux et de la prolifération de l'absentéisme, rappelant que la majorité des entreprises souffrent de difficultés financières liées à la conjoncture économique maussade aussi bien à l'échelle nationale qu'à celle internationale. Les patrons ont également estimé au cours de la même réunion que les augmentations salariales ne constituent plus désormais un dossier revêtant une extrême urgence surtout que les prix des denrées alimentaires et de plusieurs biens de consommation se sont assagis ces derniers mois. Ils ont, par ailleurs, appelé au lancement d'un débat national sur les réformes structurelles urgentes à opérer pour relancer l'investissement et améliorer la productivité. Les positions exprimées par les patrons sonnent comme une réaction épidermique aux déclarations de plusieurs responsables de l'UGTT qui ont tiré ces dernières semaines à boulets rouges sur les chefs d'entreprises, les accusant notamment d'avoir profité des largesses de l'Etat sous formes d'avantages fiscaux pour construire des fortunes colossales et exploiter les salariés, sans pour autant daigner payer des impôts. L'UGTT et l'UTICA avaient signé en mai 2014 un accord relatif aux augmentations salariales dans le secteur privé malgré une conjoncture économique nationale morose. Cet accord a porté sur des augmentations salariales de 6% ainsi qu'une majoration de 10 dinars de l'indemnité du transport au profit de quelque 1,5 million de salariés répartis sur plus de 50 secteurs d'activités régies par des conventions collectives sectorielles. A noter que l'UGTT et le gouvernement avaient aussi signé le 1er mai dernier un communiqué commun relatif à l'ouverture d'un nouveau round de négociations sociales dans le secteur public et la fonction publique. Aux dernières nouvelles, les deux parties sont actuellement proches d'un accord qui devrait garantir des augmentations salariales conséquentes aux fonctionnaires et aux salariés des établissements publics au titre des années 2015 et 2016, pour réduire la forte détérioration du pouvoir d'achat de ces catégories socio-professionnelles.