Près d'une cinquantaine d'étudiants tunisiens ont déposé, début décembre, leurs dossiers au Centre de réception des demandes de visa canadien (CRDV) en vue d'obtenir un permis de travail temporaire pour aller effectuer leurs stages ou leurs projets de fin d'études au Canada. Tous ont reçu un courrier électronique leur annonçant un refus catégorique. A l'origine de cette décision, les nouvelles règles s'appliquant aux travailleurs étrangers temporaires au Canada et aux employeurs canadiens qui les embauchent, décidées en juin 2014 et entrées en vigueur en décembre dernier. Bien qu'inattendu, ce refus n'a pas découragé les étudiants dans un premier temps. Malgré la déconvenue, ils n'ont pas cessé de chercher des solutions et des alternatives pour obtenir le fameux sésame. Ils ont créé un groupe d'information et d'entraide sur Facebook pour pouvoir y partager leurs différentes expériences. La semaine dernière, l'Ambassadeur du Canada en Tunisie a reçu une vingtaine d'entre eux pour tirer au clair cette affaire, expliquer les motifs du refus et répondre à leurs nombreuses interrogations. D'après les présents, le diplomate s'est montré compréhensif, courtois et compatissant tout en se montrant extrêmement prudent dans ses réponses, évitant de donner de faux espoirs aux jeunes qui étaient suspendus à ses lèvres. Un chemin semé d'embûches Au Canada, les employeurs peuvent embaucher des travailleurs étrangers soit dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires ou de celui du programme de mobilité internationale. Sur le site du Gouvernement du Canada, on peut lire que : « Les travailleurs étrangers peuvent occuper un emploi au Canada là où il existe des possibilités réciproques semblables pour les Canadiens à l'étranger. L'admission accordée en vertu des dispositions de réciprocité devrait avoir une incidence neutre sur le marché du travail. » Concrètement, la loi prévoit désormais que chaque demandeur de travail temporaire étranger fournisse une étude d'impact sur le marché du travail (EIMT), qui nécessite 2 à 4 mois pour être établie et coûte environ 1000 dollars canadiens. Egalement appelée « lettre de confirmation », l'EIMT prouve que le recrutement d'un travailleur étranger, pour une mission d'une durée déterminée, comble un besoin réel et qu'il n'entrave pas le recrutement d'un citoyen canadien. Selon chaque cas, la conclusion de l'EIMT peut être favorable ou non. Concernant les étudiants, les établissements universitaires peuvent organiser des échanges en vertu de la loi C20, à condition qu'il y ait réciprocité et que les exigences liées aux autorisations soient respectées. Ainsi, l'EIMT peut être remplacée par un protocole d'entente établi par les deux universités et une preuve de réciprocité. Ce document prouve l'existence d'un vrai programme d'échange d'étudiants entre les deux établissements universitaires. En cas de nécessité, des documents supplémentaires, permettant par exemple de vérifier le nombre d'emplois réciproques, peuvent être exigés. Les boursiers postdoctoraux sont toutefois exempts de ces conditions et ne sont pas tenus de se conformer à une stricte réciprocité emploi contre emploi. Quant aux étudiants ayant obtenu un permis d'études, il peuvent à l'issue de leurs études obtenir un permis de travail temporaire d'une durée maximale de 3 ans, en fonction du nombre d'années d'études au Canada. Mauvaise communication Suite aux explications fournies par l'Ambassadeur du Canada, les étudiants se sont d'abord résignés puis la résignation a cédé la place à l'abattement et surtout à la colère. Et pour cause ! Tous affirment que lorsqu'ils se sont adressés au CRVD pour savoir quels documents étaient nécessaires pour constituer leurs dossiers de demande de permis de travail temporaire, le formulaire qui leur a été remis ne mentionnait aucunement les preuves d'entente et de réciprocité désormais exigées par la nouvelle loi. En déposant son dossier, chaque étudiant a dû casquer 380 DT de frais de visa, toujours sans être prévenu que la législation avait changé et que son dossier était incomplet. Bien que concédant à demi-mot, devant les étudiants, qu'il y a probablement eu un problème de communication et de diffusion de l'information de la part de l'ambassade et du CRVD, l'Ambassadeur du Canada en Tunisie a été toutefois catégorique: les frais de demande de visa ne seront ni intégralement ni partiellement remboursés. Outrés et révoltés, les étudiants s'estiment lésés par cette situation. Au delà de l'argent déboursé et parti en fumée, la nouvelle loi mise en vigueur pour l'obtention d'un permis de travail temporaire a surtout brisé l'espoir de ces jeunes d'aller vivre une expérience professionnelle et humaine enrichissante dans cet eldorado des temps modernes qu'on appelle le Canada. Les travailleurs temporaires étrangers sont-ils désormais persona non grata au Canada ? Non, affirment les autorités officielles. Pourtant, la longue et incertaine procédure nouvellement mise en place prouve tout le contraire.