C'est dans un registre proche de celui par lequel Leila Toubel avait éclaboussé le public de son talent que cette comédienne et dramaturge remonte sur scène pour sa nouvelle création "OlvidO". La première de ce monodrame aura lieu le 17 janvier à 19h30 à El Teatro. Suivront deux cycles en six représentations chacun qui couvriront les mois de janvier et février, successivement à El Teatro et au Quatrième Art. Les représentations auront lieu les 22, 23, 24, 29, 30 et 31 janvier à El Teatro puis les 12, 13, 14, 19, 20 et 21 février au Quatrième Art. L'amnésie d'une femme de quarante ans Dans "Olvido" qui porte aussi le titre de "Salouane" en arabe, ce qui d'ailleurs prête à confusion et crée une hésitation quant à l'intitulé véritable de ce travail théâtral, Toubel interprète une femme de quarante ans frappée d'amnésie suite à un choc et qui se retrouve en robe de mariée, trainant un coffre, dans un temps et un espace qu'elle ne reconnait pas. Le personnage se lance alors dans un monologue de 90 minutes de dialectal tunisien dont on sait combien Toubel maitrise les arcanes, idiomes et adages. Il faut souligner que texte et mise en scène sont de Leila Toubel alors que c'est Résist'Art qui produit ce spectacle. Une équipe bien fournie entoure Toubel pour cette œuvre avec une directrice de production qui n'est autre que Fatma Ben Dana. La coordination artistique a été confiée à Najoua Klibi El Kamel et l'assistanat à Inès Chaabani. Pour les aspects plus techniques, Malek Sebai est associée à ce spectacle pour ce qui reléve de la complicité gestuelle alors que le travail scénographique est l'oeuvre de Sabri Atrous. La qualité de l'équipe entourant Toubel ne fait aucun doute. On y trouve également Mohamed Hédi Belkhir au son, Taieb Jellouli pour les décors, Besma Dhaouadi pour les costumes et Radhia Haddad pour le maquillage. Quant à la musique originale, elle est signée par les Frères Gharbi et promet une bande son moderne et puissante. Last but not least, c'est la dynamique Amani Boularès qui assure les relations de presse et le photographe Aymen Omrani qui immortalisera les prestations de Leila Toubel. "On va colorier le ciel de bleu" Cette dernière écrit en présentation de sa nouvelle création: " Elle arrive de nulle part, drapée dans une robe de mariée, trainant un coffre sans relief. Dans son intérieur qui n'a pas de fond, elle cherche un prénom, le sien, un passé et une histoire qui pourrait être la sienne. Son amnésie crachera des histoires avec un son assourdissant, des images bouleversantes et des couleurs tantôt cruelles, tantôt tendres d'espoir et de beauté. De l'autre bout de la dégénérescence de sa mémoire, elle livrera son corps fébrile et ses émotions féroces aux histoires d'amour lamentables, aux pains amers, aux fleurs d'oubli d'un printemps kidnappé aux portes du rêve et d'une patrie qui se voit dépossédée de ses étoiles mais qui tend les mains bien haut et marche imperturbablement vers le ciel. "OlvidO", c'est l'histoire qui n'a pas d'histoire mais qui appartient à tous les humains. C'est un cri du coeur, un hurlement insolent pour que vive ma mère patrie debout. Alors, donnez moi vos coeurs et vos mains. On va colorier le ciel de bleu et de rouge la dernière pétale que je vous offrirai". Telle est donc la manière dont Leila Toubel décrit son texte, son personnage et sa mise en scène qui devraient drainer le grand public. En attendant de découvrir ce spectacle, notons quelques faits importants sur lesquels nous aurons ensuite l'occasion de revenir. Monodrame, ruptures et continuité En premier lieu, c'est la première fois depuis longtemps que Leila Toubel montera sur scène en dehors des créations du Théâtre El Hamra. C'est un fait à souligner, d'autant plus que cette création en solo est un exercice de style qui a ses exigences propres. D'où la question suivante: allons-nous voir une comédienne dans un nouveau style ou bien l'univers de "OlvidO" sera-t-il influencé par les travaux antérieurs de Toubel? Ensuite, il est clair que ce monodrame se situe dans une lignée et qu'il tourne le dos à d'autres œuvres. En clair, l'argument de "OlvidO" reste proche de créations telles celles de Souad Ben Slimane ou Raja Ben Ammar qui toutes deux ont monté des monodrames de la même veine. Par exemple, le "Hawa Watani" de Raja Ben Ammar serait intéressant à comparer au nouveau travail de Toubel. Plus largement, les monodrames ont une inspiration matricielle commune depuis les désormais lointains "Salut l'instit" de Mohamed Driss ou "Arak" de Raja Ben Ammar. Dans cette optique, tous ces monodrames sont en rupture des one man show humoristiques qui ont peu à voir avec ce type de théâtre plus ardu. Ainsi, Toubel devrait apporter avec "OlvidO" la preuve éclatante que les comédiens savent faire rire et vibrer sans se départir de leur théâtre. Enfin, au niveau de la dramaturgie, cette nouvelle création sera très attendue car elle s'inscrit dans un sillage amnésique classique dans le théâtre tunisien qui a souvent été friand de ces personnages aux prises avec leur mémoire. Et à ce titre, il serait intéressant, après la découverte de cette pièce, d'élargir la réflexion critique en quête des apparentements avec d'autres œuvres littéraires (Amel Mokhtar ou Azza Filali) ou cinématographiques (Selma Baccar ou Raja Amari). Rendez-vous est donc pris avec Leila Toubel qui peut partir dans ces cycles de "OlvidO" avec une certitude indéniable: elle sera portée à bout de bras et de souffle par un public qui lui est tout acquis, tout ouïe et tout amour pour l'égérie véritable du théâtre tunisien contemporain. Avec pour gage des crayons de couleur bleu ciel et une pétale de rose du rouge le plus profond...