C'est devant le juge d'instruction du premier bureau près le tribunal de première instance de Sousse qu'a encore comparu hier Zied El Heni en vue de répondre aux mêmes chefs d'inculpations que ceux pour lesquels il avait comparu une première fois devant le juge d'instruction de Tunis à savoir notamment la diffamation par voie de presse en vertu de l'article 128 du code pénal lequel prévoyant pour un tel délit une peine privative de liberté, qui a été longtemps une arme aux mains des autorités de l'ancien régime pour étouffer la liberté d'expression et empêcher que les médias puissent mettre à nu des vérités longtemps occultées. Ce fut d'ailleurs l'un des points soulevés par les avocats de la défense dans cette affaire qui était à la base, liée à celle du jet d'œuf sur le ministre de la Culture. Ce qui lui a donné une connotation politique, à dessein, selon la plupart des observateurs et défenseurs des droits de l'Homme. Vérité et vérités Rappelons en effet que cette affaire a éclaté suite à la déclaration de Zied El Heni aux médias concernant le photographe Mourad El Meherzi, un des inculpés dans la fameuse affaire du jet d'œuf sur le ministre de la culture en affirmant que ledit photographe n'a rien avoué , et n'a même pas signé le procès verbal d'interrogatoire, mettant en doute de la sorte la déclaration du procureur de la République, alors en poste au tribunal de première instance de Tunis. D'où le déclenchement de la présente affaire par une action du même procureur pour diffamation sur ordre du ministre de la Justice. C'est sur demande de la défense que l'affaire a été transférée devant le tribunal de Sousse, le plaignant, qui ne peut être juge et partie, étant le procureur près le tribunal de première instance de Tunis. Sur le premier point soulevé par la défense concernant la procédure, par ce transfert au tribunal de Sousse est donc entendue Au delà du fait que les déclarations de Zied El Heni avaient pour but de clamer la vérité, son inculpation sur la base de l'article 128 du code pénal, semble, selon la plupart des observateurs dénuée de tout fondement juridique, ledit article étant sinon caduc, en tout cas tombé en désuétude depuis la Révolution, par la promulgation du décret-loi 115 de l'année 2011 sur la liberté de la presse, laquelle, dans le but de préserver la liberté d'expression, ne prévoit pas dans le cs précis de peine de prison. Or, Zied El Heni avait, sur la base de ladite inculpation passé quelques jours aux frais du ministère de la Justice, dans les locaux de la brigade judiciaire avant d'être relâché par le Juge d'instruction. Retour aux anciennes pratiques? Pour la plupart des observateurs, dont l'association et le syndicat des magistrats, l'observatoire pour l'indépendance des magistrats ainsi que les associations de défense des droits et des libertés publiques, cette affaire entrerait dans le cadre de celles qui constituent une immixtion de l'exécutif dans la magistrature, rappelant par cet aspect les pratiques de l'ancien régime, dont le but est de détourner la vérité ou de la taire. Ce qui nuit fortement à l'image de marque de la Justice "base de toute civilisation" comme l'a si bien affirmé Ibn Khaldoun, le sociologue et historien arabe d'origine tunisienne. Rectifier le tir Zied El Heni, n'en démordra pas. Il a déclaré sur son blog avant de se présenter hier matin devant le juge d'instruction, qu'il persistera dans ses premières déclarations, et qu'il continuera à clamer la vérité sans haine et sans crainte. Pourvu que sa cause soit entendue jusqu'à la fin et que le tir soit rectifié dans le sens d'une justice équitable, dans l'intérêt de la Tunisie post-révolutionnaire, où une rupture systématique s'impose avec toutes les pratiques iniques de l'ancien régime. En tout état de cause, le juge d'instruction l'a laissé repartir comme il s'était présenté libre, et c'est de bon augure. On en saura plus à travers le procès de clôture qui sera, faut-il l'espérer dans le sens d'une Justice impartiale et indépendante.