Il est de plus en plus clair que le Printemps arabe déclenché en terre d'Ifriquiya (la Tunisie) et propagé comme une sonde spatiale jusqu'aux rivages du golfe en passant par la Numidie tripolitaine, l'Egypte pharaonique et le croissant fertile syrien, aura été tout simplement récupéré par l'Islam politique, pour le dévier de sa trajectoire initiale à savoir construire une démocratie politique pluraliste et sociale, et l'enfermer dans les carcans d'une culture d'un autre âge et d'une autre époque. Cette opération de mainmise de l'Islam politique au goût des frères musulmans sur ces Etats qui ont pourtant vécu une bonne période de modernisation avec l'établissement de l'Etat national postcolonial, a pris l'allure d'une véritable invasion (ghazwa) et pour le cheikh des cheikhs Karadhaoui, il s'agit d'un nouveau « Fath » islamique inespéré en Afrique du Nord du temps des Nasser, Bourguiba, Boumediène ou Hassen II du Maroc. Le concept si cher au Dr Marzouki président intérimaire de la République, du temps où il avait la tête sur les épaules et où le militant des droits de l'Homme haranguait les foules à travers le petit box « d'El Jazira » T.V, et appelait à la désobéissance civile contre Ben Ali et son système, ce concept « de l'occupation interne » qu'un système « légitime » par les élections et le droit établi n'est plus légitime du fait du rejet de ce même pouvoir à l'époque par la volonté populaire, s'avère de plus en plus opérationnel et véridique, aujourd'hui, dans l'espace arabo musulman, même si Dr Marzouki a changé de camp entre temps et troqué la déclaration universelle des droits de l'Homme pour l'investiture à la magistrature suprême à Carthage. L'Egypte a donné au monde et à tous ceux qui se réclament de la « légitimité » électorale contre la légitimité populaire, une leçon de grande facture. Trente millions d'Egyptiens sont descendus au Maïdane Tahrir pour dire qu'ils ont tout compris, que la Révolution a été détournée de son lit et que le pouvoir islamiste de Morsi a récupéré les mouvements démocratiques et sociaux du 25 janvier 2011, pour mettre en marche au pays de « Kinana » un autre modèle social culturel et religieux que celui réclamé par la multitude des manifestants contre Moubarak. Dans tous ces pays du « printemps arabe » une constante : Aucun programme électoral des « frères musulmans » ou des islamistes chez-nous n'a prévu l'application de la chariaâ, ou la transformation du modèle civilisationnel. Tous, se réclamaient de la « démocratie civile, des droits de l'Homme, de l'héritage universel, de la participation politique et de ses mécanismes tels que la sacralité de l'individu, la séparation des pouvoirs et le rejet du changement politique par la violence. Mais une fois au pouvoir tout a été remis en cause de fond en comble pour consolider (chez-nous le Tahsin) une « Révolution » passée soudainement de son référentiel classique universel vers, la « réislamisation » de l'Etat et de la société. Puis allégrement, comme l'appétit vient en mangeant, on a mis en œuvre les procédures d'usage dans ce genre de contrôle social et idéologique intégral : l'appropriation progressive des rouages de l'Etat, le contrôle idéologique par les mosquées et les Imams zélés, chapeautés par un Ministère de la propagande, et prêt à servir la mobilité et l'encadrement politique des masses des fidèles, plutôt que la République citoyenne. Au niveau du terrain, les « ligues de protection », les associations « caritatives », les comités de quartier, veilleront à, cet encadrement surtout dans les cités populaires et les régions déshéritées, en manipulant la carotte et le bâton. Des aides ciblées aux démunis et la terreur des « ligues » pour casser les oppositions au « projet », et surtout les empêcher de mobiliser leurs adeptes en perturbant leurs réunions par la violence verbale et physique, c'est tout un programme… ! Le cas égyptien fera date parce que ce peuple de grande culture plusieurs fois millénaire, a une très grande subtilité et beaucoup d'intelligence pratique, surtout que la mécanique pour mobiliser 30 millions de personnes n'est pas un exercice facile. C'est finalement une tentative de remettre la Révolution sur sa véritable orbite et donner une chance à l'Egypte d'intégrer le monde qui compte, celui qui roule au rythme de la terre et non pas celui qui rêve de l'époque antéislamique et ses fantasmes guerriers et destructeurs. La Tunisie aurait pu être l'exception heureuse et unique, de ne pas vivre cette fracture ensanglantée de l'Egypte. Pourquoi… Parce que nos élites ont toujours été plus proches du « raisonnable », parce que notre peuple est passionné certes par son devenir mais n'est pas un peuple « passionnel » par essence, où l'irrationnel domine la raison. Chacun de nous porte une part de ce rationalisme d'Ibn Khaldoun qui a décrypté la « Aassabiya arabe » et qui a permis finalement, avant même Bourguiba, de concilier la tradition avec la modernité. Mais certains idéologues islamistes purs et durs sous les apparences d'une modération tacticienne et perverse, risquent par leur volonté de puissance de rendre irréversible la « Reconquista » islamique (à leurs goûts bien sûr) et de plonger notre beau pays dans le chaos ! Pour eux l'occasion est unique et un signe du ciel, d'arracher la Tunisie à sa modernité Khaldounienne et Bourgibienne. Mais quant au coût de ce projet au niveau de la fracture sociale et de la diffusion de la haine et de la « Fitna » qui commencent à s'installer dans le durable dans cette Tunisie si douce et si pacifique, ils s'en foutent royalement… ! Eh oui le pouvoir ressemble à la drogue mais quand il est porté par le fanatisme religieux, il devient un fléau tel cet ouragan tsunamique du Pacifique qui emporte tout sur son passage. La religion est une bénédiction quand elle est pratiquée avec modération et humilité ! Dieu Préservez la Tunisie ! Les nuages de l'automne n'annoncent rien de bon !... à moins que !