Le Temps-Agences - Les principaux partis chiites irakiens, qui se sont entendus pour former une coalition gouvernementale, ne parviennent pas à désigner le futur Premier ministre, ce qui risque de retarder encore la formation du prochain gouvernement. L'incertitude, toujours de mise trois mois et demi après les élections législatives du 7 mars, suscite le mécontentement des Irakiens et fait le jeu de la guérilla, à l'approche du retrait des dernières troupes de combat américaines, prévu en août. L'alliance Irakia, soutenue par une bonne part de la minorité sunnite, l'a emporté d'une courte tête le 7 mars. Distancé de deux sièges, l'Etat de droit de Nouri al Maliki, chef du gouvernement sortant, a toutefois fusionné avec l'Alliance nationale irakienne, autre formation chiite dominée par des mouvements proches de l'Iran, tels que le Conseil suprême islamique d'Irak (CSII) ou le parti fidèle à Moktada Sadr. Le nouvel ensemble, qui dispose d'une majorité relative au Parlement, est donc le mieux placé pour gouverner, mais les divergences quant à la désignation du futur Premier ministre menacent désormais sa survie, dit-on de sources politiques. Le parti Dawa, dont Maliki est issu, insiste pour qu'il soit reconduit dans ses fonctions, mais les autres courants s'y opposent, bien qu'il ait proposé de renoncer à certaines de ses prérogatives, dit-on au sein de la formation. "Le CSII, l'organisation Badr (ex-bras armé du CSII) et les sadristes ont décidé de ne pas laisser le gouvernement à Maliki ou au parti Dawa. "L'alliance est plus proche de la rupture que de la cohésion. Elle est encore mise à l'épreuve", rapporte un membre de la direction du CSII sous le sceau de l'anonymat. Les sadristes, qui représentent 40 des 70 sièges de l'Alliance nationale, refusent de transiger au sujet de Maliki, auxquels ils reprochent le démantèlement par la force de la milice du jeune imam, en 2008. "Honnêtement, nous n'en sommes pas là, mais nous poussons jusqu'au point de rupture pour empêcher Maliki d'être à nouveau Premier ministre", explique l'un des partisans de Sadr, qui souhaitent voir le poste revenir à l'ancien chef du gouvernement Ibrahim al Djafari. Le CSII est quant à lui favorable à Adel Abdoul-Mahdi, actuel vice-président, mais les sadristes ne l'entendent pas non plus de cette oreille. Aux termes de la Constitution irakienne, le parlement élit le président qui désigne à son tour un Premier ministre au sein du groupe parlementaire le plus important. ----------------------------- La corruption, un fléau : «plus nuisible que le terrorisme» Le Temps-Agences - Trafic d'influence, clientélisme, appels d'offres truqués... Pendant trois jours, deux experts français ont partagé à Bagdad avec les magistrats irakiens leur expérience de la lutte contre la corruption, un fléau, qui, en Irak, plombe la reconstruction. "La corruption est plus nuisible que le terrorisme. C'est un problème plus difficile à régler car plus difficile à identifier", a exliqué l'adjointe du procureur général irakien, Rissala Kahtan. Dans des bâtiments préfabriqués ultra sécurisés s'est tenu pendant trois jours, jusqu'à mercredi, un atelier qui a réuni une vingtaine de juges, procureurs et enquêteurs irakiens sur leur façon de travailler avec pour intervenants Alain Birot, juge d'instruction au Pôle financier de Paris, et Serge Maurel, conseiller auprès du Service central de prévention de la corruption en France. Le but de l'opération était d'apporter l'expérience française aux magistrats irakiens qui "ont été frappés par une sorte d'embargo intellectuel depuis la guerre Iran-Irak" (1980-1988), selon l'attaché régional de coopération justice, basé à Amman, le diplomate français Bernard Lavigne. "Cela fait 30 ans à peu près que les magistrats irakiens ont du mal à avoir des liens avec le monde extérieur, qu'ils ne sont pas actualisés sur l'évolution du droit", explique-t-il. "C'est maintenant que le pays repart, qu'on doit être présent", ajoute-t-il. Le siège de l'Institut judiciaire supérieur de Bagdad, qui chapeaute le séminaire, a été détruit en décembre par un attentat suicide. En 2009, l'Irak était 176e sur 180 dans le classement établi par l'ONG de lutte anticorruption Transparency International, en dépit de la création en 2004 d'une Commission pour l'Intégrité publique (CIP), chargée de lutter contre ce problème. Si le népotisme est omniprésent dans le quotidien d'une société irakienne profondément tribale, la corruption touche également les plus hautes sphères de l'Etat. En décembre, le vice-ministre des Transports, Adnane al-Obeidi, a été condamné à huit ans de prison pour avoir tenté d'obtenir 500.000 dollars d'une compagnie de sécurité étrangère en échange d'un contrat. Pendant trois jours, MM. Birot et Maurel ont notamment présenté une série de cas pratiques allant de la corruption de salariés dans le privé au favoritisme dans l'attribution des marchés publics, du trucage d'appels d'offres au versement de commissions occultes dans des transactions internationales. Ils ont également expliqué leur façon d'établir les infractions et de mener leurs enquêtes sur ce "fléau universel" dans un jargon juridique familier de leurs interlocuteurs, du fait de la culture "similaire" entre les deux pays à cet égard, a noté le juge Birot. Comme la plupart des pays arabes de la zone, l'Irak bénéficie d'un système de droit romano-germanique. Le droit irakien est en effet issu du corpus égyptien, lui-même inspiré des codes napoléoniens. La liste des entraves au bon fonctionnement de la justice est longue en Irak, entre pressions politiques, ressources limitées et difficultés de se déplacer pour mener une enquête, sans parler du risque dans un pays en guerre où de nombreux juges et magistrats ont été assassinés depuis 2003.