BAGDAD (Reuters) — L'imam radical chiite Moktada Sadr pourrait bien émerger des élections législatives du 7 mars dernier comme un acteur incontournable sur l'échiquier politique irakien. Alors que les résultats définitifs ne sont pas encore connus, il est quasi certain que l'Alliance nationale irakienne (ANI), principale coalition chiite, arrive en troisième position. Après dépouillement de 95% des bulletins, l'Alliance laïque Irakia conduite par l'ex-Premier ministre Iyad Allaoui est en tête, devant sa rivale à dominante chiite du chef du gouvernement sortant, Nouri Al Maliki. Avec la coalition des partis kurdes, l'ANI apparaît donc comme un partenaire incontournable de tout gouvernement de coalition or, en son sein, le courant sadriste a considérablement accru son influence. Les partisans de l'iman anti-américain âgé de 36 ans représentent quelque 30% des voix qui se sont portées sur l'ANI, ce qui devrait leur permettre de décrocher de 38 à 40 des 72 ou 73 sièges promis à l'Alliance. Fondé en exil en Iran, le Conseil suprême islamique en Irak (CSII), principale composante politique de l'alliance chiite, perdrait la moitié de ses sièges pour ne plus disposer que d'une trentaine de députés. «Les Sadristes ont une nouvelle fois montré qu'il faudrait toujours compter avec eux», souligne Joost Hiltermann, analyste à l'International Crisis Group, qui parle de déclin graduel de l'influence des dirigeants chiites anciennement exilés en Iran. «Notre influence sera bien visible» «La principale conséquence de la résurrection des Sadristes et que cela change le rapport de forces parmi les partis islamistes chiites», souligne Reidar Visser, analyste au site internet www.historiae.org. «Par comparaison, le CSII et le groupe Badr, qui sont soutenus par l'Iran et se sont vu octroyer nombre de postes importants par les Etats-Unis après l'invasion de 2003, semblent de plus en plus faibles et pourraient bien être ignorés dans le processus de formation du gouvernement», ajoute-t-il. Les Sadristes paraissent avoir tiré profit de la perte d'influence et de la désorganisation du CSII consécutive à la mort l'an dernier de son influent leader Abdelaziz al Hakim, soutenu par le régime de Téhéran. Parallèlement, le courant de Sadr, qui avait pris les armes à deux reprises contre l'occupant américain, a su s'organiser en tant que parti politique et sa campagne pour les législatives a été bien meilleure que celle pour le scrutin provincial de 2009. Sa performance électorale, après une campagne fondée sur un message nationaliste de changement, pose un défi à Maliki qui aspire à un second mandat de Premier ministre. Maliki et les Sadristes ont été alliés au sein du plus important groupe parlementaire comprenant aussi le CSII. Mais Maliki s'est aliéné le jeune iman en lançant en 2008 une campagne de répression sanglante contre les miliciens de son Armée du Mehdi. «Notre présence sera forte au nouveau parlement et notre influence sur la formation du nouveau gouvernement sera bien visible», a promis Hakim al Zamili, candidat du courant sadriste particulièrement implanté dans les zones déshéritées du Sud et de Bagdad. Allaoui négocie déjà avec les Sadristes Descendant d'une famille religieuse chiite révérée, Moktada Sadr, qui a entrepris de compléter son érudition religieuse en Iran depuis plus de deux ans, avait invité ses partisans à participer au vote du 7 mars pour contribuer à «libérer» le pays des forces américaines. Parallèlement, son mouvement a privilégié l'action politique sur la lutte armée et a mis une sourdine à sa virulence islamique, axant son message à l'électorat sur la nécessité de répondre aux besoins de la population en matière de sécurité, d'emplois et de services. Le poids nouveau du courant sadriste sera d'autant plus crucial dans la formation d'un nouveau gouvernement qu'il semble exclu que Maliki et Allaoui fassent alliance. Ce dernier s'est d'ailleurs déjà engagé dans des tractations avec les Kurdes, le CSII et les Sadristes. Si le CSII est prêt à pactiser aussi bien avec Allaoui que Maliki, les Sadristes ne sont pas dans le même état d'esprit vis-à-vis du Premier ministre sortant et un éclatement de l'ANI n'est pas à exclure. «Les sadristes ne sont pas prêts à négocier avec nous. Peut-être qu'une façon de surmonter le problème serait de proposer un autre candidat que Maliki au poste de Premier ministre mais, honnêtement, nous n'avons pas d'autre nom à avancer», confie un haut responsable de la Daoua, le parti islamiste du Premier ministre sortant.