C'est sur un coup de tête, une impulsion soudaine qu'il a décidé de tout laisser tomber, notamment, femme et enfants, pour changer d'air et aller vivre sous d'autres cieux qu'il croyait plus cléments. Il est rentré cependant bredouille afin de subir les répercussions de son acte. Tout avait bien commencé pourtant pour ce bonhomme, aujourd'hui, quinquagénaire. Il n'était, toutefois, pas jeune lorsqu'il a convolé en justes noces, car il a dû attendre l'âme-sœur, d'abord, et l'amélioration de sa situation matérielle pour se décider, enfin à plus de trente-cinq ans. Celle qu'il a choisie pour être sa campagne pour la vie, pour le meilleur et pour le pire, était également de condition modeste mais ils ont fait preuve de solidarité, essentiellement, au cours des premières années, d'autant que leur foyer a été égayé par la venue de deux enfants, une fille et un garçon. Il s'agissait certes de deux bouches supplémentaires à nourrir, mais à deux ils sont parvenus à porter ce lourd fardeau. La femme, surtout, s'est privée de tant de choses afin de réussir un certain équilibre, mais il fut un temps où la situation s'est dégradée, empirant d'ailleurs au fil des semaines, acculant l'épouse à travailler chez des familles pour aider son conjoint, dont le modeste salaire ne leur permettait de tenir qu'une vingtaine de jours dans le meilleur des cas. C'est ce qui aurait poussé, apparemment, le mari à songer à ce voyage dans un pays maghrébin limitrophe pour améliorer une situation de plus en plus précaire. Il faut dire que cette idée trottinait dans sa tête et le turlupinait depuis un certain temps déjà. C'est devenu pratiquement une obsession, mais il a hésité longtemps avant de se décider enfin. Il lui a fallu toutefois amasser une petite somme nécessaire pour une telle aventure, du moins pendant les premiers temps, en attendant bien entendu de s'adapter à sa nouvelle vie et son environnement. Or, si le voyage s'est déroulé sans pépin, les difficultés vont plutôt surgir dès le moment où il a mis les pieds sur le sol de ce pays voisin, où il a dû se séparer d'une bonne partie de la bourse qu'il a emportée, en quelques jours. Son séjour, dans ce pays devenait ainsi de plus en plus difficile bien qu'il se soit débrouillé pour dénicher une piaule à loyer collectif. Comme il a pu également se procurer du travail grâce à l'intervention de certains compatriotes installés dans ce pays depuis un bon bout de temps. Du boulot à l'emporte-pièce, cependant, dans ce sens que ce fut temporaire, puisqu'il se retrouvait souvent inactif, ce qui explique que le peu d'argent qu'il gagnait était dépensé illico. Un rythme de vie qui a fini par agacer notre bonhomme, au point de le désespérer et le pousser à rentrer au pays, son pays natal pour retrouver sa femme, ses enfants et les siens. Malheureusement pour lui, il a perdu son boulot, son poste ayant été occupé par un autre. Il faut dire qu'au moment de partir il n'a même pas eu la délicatesse d'informer ses supérieurs. Les temps durs revenaient ainsi au galop pour s'installer de nouveau dans la petite famille. Avec plus d'acuité, qui plus est, du moment que le maigre solde ramené à la fin de chaque mois par la femme était bouffé rapidement, cependant que le mari demeurait désespérément inactif au chômage, au point de ne plus pouvoir régler le loyer, s'attirant par là-même le courroux du propriétaire tenant à être payé. Il leur aurait en tout cas lancé un ultimatum, menaçant de les mettre à la porte. C'était suffisant pour semer la zizanie au sein du couple, sujet désormais aux différends, querelles et scènes de ménage, devenus leur pain quotidien. Ça se chamaillait désormais continuellement, à n'en plus finir. Les deux époux en sont même arrivés aux insultes, ce qui ne laissait présager rien de bon. Justement, la situation allait tourner au drame le jour du dernier délai de payement du loyer, le mari étant incapable d'honorer cet engagement, alors que l'épouse se déchaînait. Lui faisant entendre des vertes et des pas mûres. La réaction de l'homme fut aussi fulgurante que dramatique, s'emparant en effet d'une paire de ciseaux et poignarda dans la foulée sa campagne au flanc gauche. Secourue à temps par des voisins, la bonne femme en eut pour dix-sept points de suture...