Jamais, dans le passé -proche ou lointain- un vote de confiance pour le gouvernement ne s'est déroulé dans une pareille ambiance néfaste et tendue, marquée par les tiraillements et, même, les déchirements entre des députés prêts à tirer sur tout ce qui bouge, vautrés dans leurs sièges de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), devenue une arène et une scène de théâtre bas-de-gamme auquel, certes, les Tunisiens s'étaient habitués, par son caractère répétitif. Mais, cette fois-ci, il y a, en plus, quelques nouveautés, pire les unes que les autres. Allez, Messieurs, admirez le spectacle ! Le démarrage s'est fait sur les chapeaux des roues et chacun a affuté ses armes, soit pour défendre le gouvernement, nouvelle version, ou le dénigrer. La séance plénière de l'ARP consacrée au vote de confiance au remaniement ministériel proposé par le chef du gouvernement, Hichem Méchichi et qui concerne onze portefeuilles ministériels a démarré, hier, aux environs de 9H30, en présence de 165 députés. Une séance sur fond de controverse Une séance plénière qui se tient sur fond de controverse notamment après l'intervention, lundi, du président de la République, Kaïs Saïed lors du Conseil de sécurité nationale au cours duquel il a déclaré que le remaniement ministériel n'a pas respecté les dispositions de la Constitution, citant en l'occurrence l'article 92. Ledit article prévoit que l'amendement de la structure gouvernementale intervient après délibération du Conseil des ministres. Réagissant à ce constat, le chef du gouvernement Hichem Méchichi avait convoqué, illico presto, en visioconférence, un Conseil ministériel "pour examiner la nouvelle structure du gouvernement, conformément aux articles 92 de la Constitution". Le président de la République avait également déclaré que les personnes (proposées dans le remaniement ministériel) qui sont suspectées d'être impliquées dans des affaires de corruption ou de conflit d'intérêt ne pourront pas prêter serment. Pour ce qui concerne les réactions des groupes parlementaires concernant le remaniement auquel a procédé le chef du gouvernement, les blocs Ennahdha (53 sièges) et Qalb Tounès (30 sièges) ont affirmé qu'ils voteront en faveur des ministres proposés. Le bloc Tahya Tounès (10 sièges), qui fait partie des groupes soutenant le gouvernement Méchichi, s'est prononcé en faveur du remaniement ministériel. Cependant, selon son président Mustapha Ben Ahmed, il n'accordera pas la confiance aux ministres proposés qui font l'objet de suspicion de corruption ou de conflit d'intérêt. Pour sa part, le bloc démocratique (38 sièges) ne votera pas la confiance aux ministres proposés dans le cadre du remaniement ministériel. A noter que, selon l'article 144 du règlement intérieur du parlement, le vote de confiance est effectué séparément sur chaque membre dans la mission qui lui est assignée. Pour obtenir la confiance du parlement, le ministre doit avoir l'approbation de la majorité absolue des membres (109 voix). Levée de séance de 30 minutes La séance plénière a été marquée par une cacophonie générale, avec plusieurs députés de l'opposition qui ont refusé de s'exprimer estimant que l'ARP est « assiégée » (selon leurs propos) par des sécuritaires qui suffiraient à «eux seuls», de pouvoir régler les problèmes liés au terrorisme. Le début de la séance a notamment été marqué par un accrochage verbal entre Samia Abbou et d'autres députés, notamment Rached Ghannouchi (pdt de l'ARP) qui lui a coupée la parole à plusieurs reprises sous prétexte que c'est en dehors de l'ordre du jour de la plénière. « Vous arrivez à l'ARP comme si vous étiez le Sultan Souleymane » à lancé Abbou à Ghannouchi, en plein accrochage verbal, selon notre confrère « Réalités ». Samia Abbou, a déclaré que le vote autour du remaniement a dévoilé l'avidité de la ceinture politique. Selon elle, le remaniement en question reflète, en plus de l'opportunisme politique, une insouciance de la stabilité du pays. Elle a, par ailleurs, assuré que la coalition politique en question est incapable de communiquer avec les citoyens. Commentant la présence sécuritaire renforcée devant le siège de l'ARP, la députée a considéré que le gouvernement a perdu la confiance des citoyens notant, par la même occasion, que la tyrannie exercée par le gouvernement actuel a dépassé celle de Ben Ali. Ces tensions ont conduit à une levée de séance de 30 minutes de la part du président de l'ARP, Rached Ghannouchi, acculé par l'opposition et qui était loin d'être capable de diriger la séance. C'était la foire, au sein de l'hémicycle, et les députés y sont allés de leurs critiques, en passant par les accusations et les « dossiers » de conflits d'intérêt, de corruption, avec, aussi, des critiques contre l'absence de la femme, dans le gouvernement, et autres délits. Certains ont rappelé que le projet de conférence nationale, proposée par l'Union générale tunisienne du travail, ne fait plus partie des préoccupations des trois têtes du pouvoir. Entretemps, Abir Moussi et son bloc du Parti destourien libre (PDL) ont entamé un sit-in. Abir Moussi a annoncé que les membres de son bloc (16 députés) sont entrés en sit-in au siège du parlement, dans un premier mouvement de protestation contre les blocs et les forces qui refusent toujours de signer une pétition pour retirer la confiance du président du Parlement et au chef du gouvernement. Moussi a estimé, lors d'une brève conférence de presse tenue au parlement, que son bloc est la "vraie opposition", appelant les députés à boycotter l'actuelle séance plénière consacrée au vote de confiance, et à rejoindre les représentants de son bloc pour signer la pétition. Cette pièce de mauvais goût qui ternit davantage l'image du pays s'est poursuivie, tard dans la soirée. F.S.