Par Hmida Ben ROMDHANE Au niveau des relations des Etats-Unis et de la France avec l'Etat d'Israël, il semble que l'on assiste actuellement à une évolution assez surprenante que personne n'a prévue il y a quelques mois. En effet, depuis que Washington a changé son fusil d'épaule vis-à-vis du conflit syrien et s'est engagé dans des négociations « constructives » avec l'Iran, la nature des relations franco-israéliennes et israélo-américaines n'est plus ce qu'elle était. Les relations entre la France et Israël, qui étaient caractérisées pendant des décennies par des hauts et des bas, connaissent aujourd'hui une euphorie sans précédent. Quant aux relations entre les Etats-Unis et Israël, qui étaient caractérisées pendant des décennies par une alliance excessivement développée et extrêmement solide, elles connaissent aujourd'hui une période de turbulence sans précédent. La visite effectuée par le président français en Israël dimanche dernier et la reprise des négociations irano-occidentales prévue à la fin de cette semaine ont le mérite de souligner cette lune de miel israélo-française d'une part, et l'essoufflement des relations israélo-américaines d'autre part. Dès l'arrivée à l'aéroport Ben Gourioun de la « grande délégation » française conduite par François Hollande, où elle a été accueillie par Benyamin Netanyahu et Shimon Peres, les démonstrations d'amour entre les visiteurs et leurs hôtes ne se sont pas fait attendre. Netanyahu a félicité Hollande pour sa « position courageuse contre les tentatives iraniennes de se doter des armes nucléaires », avant d'ajouter sans rire que « le sionisme était influencé par les valeurs de la révolution française ». S'adressant toujours à ses hôtes français, Netanyahu a affirmé qu' « Israël considère la France comme un vrai ami et, tout comme Israël, elle aspire à un Moyen-Orient stable qui vit en paix et en sécurité ». La réponse de François Hollande était celle du berger à la bergère. Sans rire lui aussi, et s'adressant à son ami Netanyahu, le fossoyeur du processus de paix et l'infatigable colonisateur des terres palestiniennes, il a affirmé : « «Vous êtes une grande démocratie – vous l'avez rappelé et vous pouvez en être fiers – car malgré les épreuves que vous avez rencontrées, jamais, je dis bien jamais, vous n'avez cédé sur la démocratie, sur le pluralisme, sur les droits. » La triste réalité n'a évidemment rien à voir avec les envolées lyriques hollandiennes. La triste vérité est non pas que Netanyahu n'a « jamais cédé sur les droits », mais qu'il n'a jamais concédé un seul droit aux Palestiniens. Cependant, ce n'est pas l'avis de Hollande sur la « démocratie » israélienne qui intéresse Netanyahu, mais son opinion sur le dossier iranien. Et là, François Hollande a dit exactement ce que Benyamin Netanyahu voulait entendre : « La France considère que la prolifération nucléaire est un danger, une menace, et en Iran tout particulièrement. Une menace sur Israël, oui; une menace sur la région, à l'évidence; et une menace sur le monde entier. Lorsque la France défend ses positions dans les discussions qui sont en cours, c'est bien sûr en prenant en compte ce que vous exprimez vous-mêmes, mais c'est en ayant conscience aussi que c'est l'enjeu pour la planète, et c'est pourquoi la France ne cèdera pas sur la prolifération nucléaire. Pour la France, et tant que nous n'avons pas la certitude que l'Iran a renoncé à l'arme nucléaire, nous maintiendrons toutes nos exigences et les sanctions. » Mais si Netanyahu est aux anges après avoir entendu de nouveau la position française sur le dossier nucléaire iranien, il est de toute évidence extrêmement furieux après avoir entendu les derniers commentaires du secrétaire d'Etat américain John Kerry sur la question. En effet, alors que la tension continue de s'aggraver entre l'administration Obama et le gouvernement israélien, John Kerry a rejeté mardi dernier les jérémiades israéliennes, insistant que « rien dans le projet d'accord avec l'Iran soutenu par les Etats-Unis ne constitue une menace pour Israël ». Et comme pour enrager encore plus le premier ministre israélien, Kerry a ajouté : « Netanyahu est libre d'exprimer ses inquiétudes, mais il est en dehors du coup » et que « l'accord avec l'Iran est dans l'intérêt de tout le monde, y compris Israël » (1). La tension entre les deux pays est donc à son comble et elle a toutes les chances de s'aggraver encore plus dans les jours et les semaines qui viennent. Cette tension est alimentée côté américain par le « ras-le-bol » de l'administration Obama vis-à-vis du lobbying agressif d'Israël auprès du Congrès dans le but d'entraver les efforts diplomatiques de la Maison blanche tendant à faire aboutir l'accord avec l'Iran. Côté israélien, la fureur contre Washington a atteint un niveau sans précédent à la suite de la diffusion, il y a quelques jours, par la dixième chaîne israélienne d'informations concernant « des négociations secrètes irano-américaines qui se poursuivent depuis un an ». Très embarrassée, la Maison blanche a chargé sa porte-parole, Bernadette Meehan, de démentir l'information qualifiée d' « absolument fausse ». Mais les Israéliens ne semblent pas très convaincus par le démenti. Ils ont réagi en donnant les noms des négociateurs américain et iranien, Valerie Jarrett, conseillère d'Obama, et Ali Akbar Salehi, directeur de l'Agence iranienne pour l'énergie atomique. Après une si longue idylle avec Washington, les Israéliens semblent maintenant n'avoir d'yeux que pour la ville des Lumières. De toute évidence, l'amour israélo-français évolue proportionnellement au désamour israélo-américain. (1) http://news.antiwar.com/2013/11/18/kerry-iran-deal-will-benefit-israel/