Par Nejib OUERGHI La restitution, jeudi dernier, d'une première tranche des avoirs spoliés par le président déchu et les membres de sa famille a une valeur symbolique, sans plus. Même si elle ne constitue qu'une maigre consolation, cette opération, dont la finalisation a pris plus de deux ans, nourrit bien des espoirs. En récupérant environ 28 millions de dollars sur un compte bancaire au Liban au nom de Leïla Ben Ali, il est tout à fait loisible de penser qu'un premier pas a été franchi dans la bonne direction. En réalité, le chemin reste encore tortueux et long pour espérer récupérer le gros lot. En effet, ce n'est pas tant la volonté politique des pays où ces fonds sont déposés, la complexité des procédures judiciaires ou les difficultés qui se dressent pour obtenir des informations fiables qui vont permettre au pays, en butte à de sérieuses difficultés financières, de récupérer ces fonds pour les utiliser promptement dans des projets de création d'emplois et d'amélioration du vécu des Tunisiens. Plus de deux ans après la révolution du 14 janvier 2011, l'on constate, impuissants, que la récupération des fonds détournés par le clan Ben Ali constitue encore un véritable puzzle, au regard de la sophistication des méthodes utilisées pour dissimuler ou blanchir cet argent, de la non-connaissance des sommes détournées et de la complexité des procédures dans les pays où cet argent est illégalement détourné. Même si le dossier tunisien est, en apparence, bien ficelé sur le plan juridique et qu'une pression morale est, de plus en plus, exercée sur les pays considérés bon refuge pour l'argent spolié, il est trop tôt pour aller vite en besogne. Le plus important enseignement à tirer, dans cette phase délicate que connaît le pays, consiste à mobiliser les Tunisiens à la nécessité de se remettre à l'ouvrage plutôt que de nourrir des chimères. Cette option est, assurément, à même de permettre la création de nouvelles richesses et de desserrer les contraintes exercées sur l'économie et sur le marché de l'emploi et à offrir de réelles perspectives au pays. Une fois restitué, cet argent ne peut qu'aider à résoudre certaines problématiques, il ne constituera point un moyen efficace pour éradiquer la pauvreté, le chômage ou impulser durablement l'activité économique. Sur un autre plan, il semble, enfin, qu'un consensus est en train d'être trouvé pour organiser le Congrès national contre la violence le 18 mai prochain. Cette initiative, qui est une sorte de compromis entre la conférence lancée, en octobre 2012, par l'Ugtt et celle annoncée par le président provisoire au début de 2013, vient à point nommé. A la veille d'échéances politiques majeures, la tenue de cet événement ne peut que concourir à une décrispation de la tension qui domine les relations entre les différents acteurs politiques, susciter un plus grand consensus sur les grands dossiers en suspens et favoriser un traitement concerté du phénomène de la violence politique, qui ne cesse d'hypothéquer le processus de transition de la Tunisie vers la démocratie. Même si quelques doutes persistent sur la présence des représentants des trois présidences, de l'ANC, de l'Ugtt, de l'Utica et de la société civile à cet important rendez-vous, en raison des couacs qui ne finissent pas d'échauffer les esprits et de pourrir le débat public, l'on pense que le moment est venu, pour tous, d'enterrer la hache de guerre. La préservation de la sécurité nationale, la lutte contre la violence politique, la mise en place des instances constitutionnelles et l'organisation d'élections libres et indépendantes ont besoin de l'engagement de tout le monde, de l'adhésion de toutes les sensibilités qui militent pour le renforcement des fondements de l'Etat civil, démocratique et moderne. A l'évidence, c'est de l'engagement de tous les acteurs politiques à poursuivre, sereinement et volontairement, cette construction qu'il sera possible, non seulement de garantir la sécurité, la restauration de la confiance et la stabilité du pays mais, aussi, de réunir les conditions pour le développement économique et social. En attendant de parvenir à ce résultat souhaité, il importe, d'ores et déjà, de réunir les conditions objectives pour la réussite de ces assises en bâtissant une confiance autour de constantes partagées et en évitant le travestissement d'une initiative pour un consensus national contre la violence en un dialogue de sourds. Enfin, sur le plan économique et social, le pays attend toujours le déclic qui ne vient pas. Les incertitudes et l'attentisme continuent à grever l'activité économique. Outre la détérioration des équilibres macroéconomiques, l'accentuation des pressions sur le budget de l'Etat, les difficultés rencontrées pour mobiliser les ressources nécessaires pour le financement du développement, le ralentissement de la croissance et la poussée inflationniste constituent autant de facteurs d'aggravation de la crise et de la grogne sociale qui commencent à toucher la plupart des secteurs-clés de l'économie. Comment stopper cette descente aux enfers de l'économie tunisienne? Le dialogue responsable impliquant gouvernement, organisations nationales et société civile reste la voie la mieux indiquée pour sortir le pays du tourbillon. Un dialogue qui est à même de restaurer la confiance combien nécessaire pour vaincre le doute et l'attentisme aujourd'hui source d'inquiétude et de flou de plus en plus insupportables.