Dès les premiers jours de la révolution, la récupération des fonds spoliés par la famille mafieuse régnante à Carthage s'érige bel et bien en revendication nationale de premier plan. Et depuis, la société civile, toutes composantes confondues, ne cesse de crier fort, faisant pression sur le gouvernement pour lancer l'opération «chasse aux corrompus». Au fil des jours et des mois, les démarches politiques et juridiques continuent à faire l'objet de longues négociations multilatérales et dont les procédures ne manquent pas de complications à n'en plus finir. N'empêche, les enquêtes approfondies de recherche et d'investigation qui sont déjà en cours n'ont pas été vouées à l'échec. Et pas plus tard qu'hier, les dernières nouvelles ont été publiquement livrées:outre le gel des avoirs mal acquis placés à l'étranger, l'on s'attend actuellement à ce que ces biens financiers et immobiliers soient saisis et confisqués. Dans les semaines à venir, les jugements prononcés à l'encontre des auteurs impliqués en Tunisie seront, ainsi, transférés aux autorités judiciaires des pays concernés pour la restitution de ces avoirs détournés impunément. C'est ce qu'a annoncé, hier, le chargé de mission auprès du ministre de la Justice, M. Mohamed Askri, et ce lors du colloque international ayant pour thème «La restitution des avoirs mal acquis placés à l'étranger: l'intensification des efforts de la Tunisie et les perspectives de leur consolidation à la lumière des expériences comparées». Une manifestation scientifique qui intervient dans le prolongement de la journée nationale du 18 juillet et dont les recommandations, faut-il le rappeler, avaient donné lieu à une coordination nationale d'appui aux efforts de l'Etat en la matière. Y compris la mise en application du chapitre 5 de la convention des Nations Unies contre la corruption. A l'ouverture des travaux, M. Hamadi Jebali, chef du gouvernement a relevé que la restitution de ces fonds publics demeure un des mérites de la révolution tunisienne et le souci majeur de la population nationale. Leur détournement à l'étranger a freiné le processus de développement économique et contribué à l'élargissement des disparités sociales entre les catégories et les régions. Lançant un appel aux pays où sont placés ces avoirs, afin d'accélérer les procédures administratives et juridiques pour leur rapatriement, M. Jebali a reconnu la complexité des étapes par lesquelles doivent passer les démarches de récupération. Sans pour autant oublier d'insister sur la conjugaison des efforts pour poursuivre en justice les corrompus. Cela commande, a-t-il ajouté, d'acquérir des compétences et d'adopter des techniques d'enquêtes très poussées. Mais, bien que certains pas positifs aient été franchis, il y a encore du pain sur la planche. D'où, conclut-il, l'intérêt de mobiliser toutes les forces vives de la société, agissant dans le cadre de la coordination nationale précitée, pour pouvoir surmonter au passage tous les obstacles censés empêcher ou retarder l'opération de restitution. C'est, là, de l'avis des experts, l'ultime objectif. Sans donner de chiffres, M. Noureddine Bhiri, ministre de la Justice, s'est contenté de révéler que le total des fonds placés à l'extérieur est conséquent. «Nous nous sommes pleinement engagés pour récupérer ces avoirs. Notre vigilance restera de mise..», a-t-il déclaré. Et d'ajouter que la responsabilité est du ressort de tous, société civile, médias, juristes et partis politiques. Son chargé de mission, M. Fadhel Sayhi, a indiqué que les pourparlers avancent pour récupérer les avoirs mal acquis et extrader leurs auteurs. Quant à M. Chedly Ayari, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, il a tenu à présenter la commission nationale de restitution des avoirs spoliés et le rôle de la société civile dans la réactivation de ce dossier, soulignant les difficultés qui ont entravé tout ce processus. De son côté, M. Abderrahmane Ladgham, ministre de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption a rappelé la récente stratégie de lutte contre la corruption, lancée le 9 de ce mois, affirmant que la restitution des avoirs en fait également partie. Et le ministre d'enchaîner que malgré les efforts consentis en la matière, les résultats aboutis sont en deçà des attentes.