Par Abdelhamid GMATI La date du 23 octobre approche et focalise l'attention du milieu politique qui, déjà, se trouve en effervescence. Pourquoi ? C'est en effet ce jour là que la nouvelle Constitution devait être présentée. Or, il n'en est rien. Ce qui veut dire que les constituants ont failli à la tâche qui leur avait été assignée par les électeurs du 23 octobre 2011. Ce qui sous-entend et que soulignent les opposants et les observateurs, qu'ils perdent leur légitimité électorale. Or les gouvernants (élus et gouvernement) ne l'entendent pas de cette oreille. Voulant prolonger leur «provisoire», ils se lancent dans la surenchère et la menace. Le haut comité de coordination des trois partis au pouvoir parle de «tentative de complot contre la légitimité électorale», mettant en garde ceux qui mettraient en doute ce processus ; un dirigeant de l'un de ces partis brandit même la menace de la peine de mort. Certes, on peut comprendre que ces gouvernants veulent garder leurs privilèges et les pouvoirs qu'ils se sont octroyés mais pourquoi cette véhémence et ces velléités d'exclusion ? Le ministre de la Culture, M. Mehdi Mabrouk, a surpris en faisant une déclaration positive, même s'il lui attribuait une autre signification : «Le 23 octobre n'est pas le jour de la Résurrection». Certes, mais cela devrait être la date d'un nouveau départ, d'une nouvelle étape dans la réalisation des objectifs de la Révolution. La population s'inquiète, à juste titre, et il est légitime de se poser la question : «Où va le pays ?». Le gouvernement n'a pas rempli ses obligations malgré les pouvoirs qu'il s'est arbitrairement octroyés : l'économie ne cesse de se dégrader, le chômage augmente, les régions ne reçoivent que des promesses non tenues, l'insécurité prend de l'ampleur, la violence politique s'étend, les salafistes «enfants de M. Rached Ghannouchi» font la loi dans les rues et les milieux universitaires, les mosquées ne sont plus des lieux de culte, nos relations avec les pays amis se détériorent... L'Assemblée constituante perd de plus en plus la considération et le respect de la population. Non seulement parce qu'elle n'a pas présenté le texte de la nouvelle Constitution, sa raison d'être, mais aussi et surtout parce que les constituants prouvent qu'ils ne se préoccupent que de leurs propres intérêts et privilèges. Outre leurs salaires exorbitants (certains payés en devises), leur tentative de s'octroyer une retraite dorée et une rente viagère confortable, voici qu'ils projettent de faire édifier un complexe de bureaux et d'habitations à leur seul usage. Ont-ils l'intention de perdurer longtemps, alors qu'ils n'ont été élus que pour une année, pour rédiger cette Loi fondamentale ? Le construction d'un tel complexe prendrait au moins un an. Projettent-ils d'élire domicile au Bardo et donc de reculer l'élaboration de la Constitution pendant un, deux ou trois ans ? Le fait que 25 d'entre eux partent en pèlerinage semble l'indiquer. Même le nahdhaoui Abdelfattah Mourou le désapprouve. Il est donc normal que tous les Tunisiens s'inquiètent de l'avenir de leur pays. Et il est temps d'agir, non pas pour destituer le gouvernement et l'Assemblée (même si certains le clament) mais pour remplacer cette légitimité électorale par une légitimité consensuelle. Et l'opportunité se présente avec ce dialogue national qui devrait démarrer le 16 octobre à l'initiative de l'Ugtt avec la participation de tous ceux qui veulent servir l'intérêt de la Tunisie sans exclusion ni ostracisme. Il y a bien certains partis qui auraient voulu exclure leurs adversaires mais la centrale syndicale, qui, contrairement à tous les autres partis, a participé activement à la Révolution, a tenu bon faisant preuve de cohérence et d'esprit démocratique. Que serait un consensus national si certaines forces politiques, c'est-à-dire une partie plus ou moins importante de la population en était exclue ? Ennahdha a fini par adhérer à cette nécessité, même si lors d'un de ses meetings à Kairouan, tenu en présence du ministre des Droits de l'Homme, une barrière séparait les hommes et les femmes. Même M. Mustapha Ben Jaâfar, qui veut «neutraliser» les ex-rcédéistes (de quel droit ?), considère que «son parti œuvre pour l'intérêt national et pour la réussite de la deuxième phase du processus transitoire, même si ce choix risque de lui coûter cher sur le plan électoral... Nous craignons une véritable division de la société tunisienne en ces temps où tous les Tunisiens sont appelés à mettre la main dans la main pour construire la démocratie». Peut-être que les démissionnaires de son parti, de plus en plus nombreux, lui ont rappelé ces principes. Quoi qu'il en soit, nous nous trouvons à la croisée des chemins et il faut participer à ce dialogue avec sérieux, engagement et sincérité. L'ambassadeur d'Allemagne à Tunis rappelait le 3 octobre dernier, lors de la célébration de la journée de l'Unité allemande, que le slogan adopté pour surmonter les difficultés de la réunification était « Wir sind ein volk ». Il serait judicieux et opportun d'adopter ce slogan car, nous aussi Tunisiens, «nous sommes un seul peuple».