Né en 1958 à Narbonne, Serge Griggio est un peintre, graveur et dessinateur français qui vit et travaille dans l'Aude (sud de la France). De nombreuses expositions lui sont consacrées en Europe où il collabore avec galeries et musées. Ses œuvres sont présentées dans des collections privées du monde entier. Un fortuit voyage le mena sous nos cieux. Il en profite pour s'abreuver et se nourrir de ses rencontres quotidiennes (paysage, objets...). Son périple le mena d'abord à Sfax, puis à Tunis, ses réminiscences immédiates trouvent, ainsi, refuge sur le papier et la toile. Commencent alors ses recherches et ses questionnements picturaux. Au fusain et à la mine de plomb d'en saisir les premiers jets et au papier de les accueillir. Intervient ensuite la toile pour en extraire l'essentiel. L'idée et la finalité étant, essentiellement, de peindre, exposer s'est présenté fortuitement à lui au gré d'une rencontre. Et c'est le Centre russe des sciences et de la culture qui abrite, depuis vendredi dernier, le fruit de ce séjour tunisien. Chez Sergio Griggio c'est surtout une histoire d'une éternelle quête, d'un éternel recommencement, d'une boucle qui n'est pas près de se fermer, celle de ses incessantes pérégrinations géographiques et picturales...C'est sans doute pour cela que son travail se présente à l'allure de séries, une approche qu'il a développée depuis ses débuts. Au commencement, un objet, un simple objet éloigné de sa vie antérieure. Un sujet-rendez- vous que Griggio prend avec le quotidien. Et heureusement ici, sous nos cieux, ce rendez- vous n'a pas accouché d'une carte postale, bien au contraire, l'artiste aborde souvent dans son travail des objets que l'on peut retrouver partout, mais qu'un contexte social et une réalité culturelle éloignent. Donc, pas d'images «folklorisantes» ou de mise en carte postale et c'est tant mieux! Et même si l'artiste puise des fois des objets dans notre patrimoine, leurs re-présentations tendent à s'en détacher plastiquement, car chez lui la forme semble l'emporter sur le fond, et c'est la «matériologie» de l'objet et son devenir plastique qui priment. Ainsi et avec la série «La Maison du Sage glisse» (8 toiles), la cage de Sidi Bou Saïd, représentée dans sa forme la plus dénuée (sans ornementations) se muent deux toiles plus tard, en ce qui fait penser à un refuge de marabout abordé aussi dans sa forme géométrique la plus pure. Grignoté par la lumière de la valeur blanche, l'objet se brouille, s'efface vers la fin suggérant une apparition fugace...une disparition annonçant une nouvelle naissance... Dans la série la Porte Jaune, la porte est saisie, au début, dans sa forme la plus figurative, occupant toute la surface. Au fil des 8 toiles, elle perd doucement de son allure initiale pour devenir elle-même surface d'exploration plastique, où la matière et avec elle la toile sont mises à l'épreuve. «Il s'agit ici de prendre de la distance par rapport à ce qui nous entoure, réfléchir sur le devenir matière de l'objet, se jouer des rapports forme/fond, volume/matière mais aussi de l'espace/temps», nous explique l'artiste. Effectivement, la temporalité (temps de l'œuvre et l'œuvre du temps) semble être un élément fondamental dans l'œuvre de Giggio et sa poétique dans le traitement de ses surfaces. Ainsi la porte au fil du temps et à chaque toile perd un peu de sa vie antérieure, ouvrant grandes les extrapolations picturales...Elle s'efface, on finit par l'oublier... Le Fauteuil d'Afifa à l'allure d'un fauteuil Voltaire désarticulé, est une sorte de réminiscence d'un passé colonial qui subit une évolution imposée par sa nouvelle réalité culturelle d'abord, puis suit le parcours pictural que lui réserve l'artiste. La dernière série «Le Vote», lui a été inspirée par notre période électorale. Au commencement, une chaise qui trône sur une grande partie de la toile, s'offrant à tous les regards... En arrière-plan, on aperçoit les lignes des quadrillages des panneaux d'affichage réservés aux candidats. La chaise finit par se confondre avec ces lignes, territoires des possibles communs qui sont appréhendés par tout le monde. Les lignes s'épurent vers la fin, ne gardant que l'essentiel, s'effaçant pour réapparaître dans d'autres futurs, mais restent enfouies dans une mémoire collective. L'exposition se poursuit jusqu'au 14 juin 2012.