La polysémie de l'œuvre d'Agostino Ferrari fait écho à l'intitulé de son exposition «Signes de rencontres», abritée par le Centre national d'art vivant du Belvédère depuis vendredi dernier. Signes Signes comme autant de «traces, empreintes de l'homme que Ferrari a élaborées jusqu'à en faire une véritable écriture et pas uniquement un signifiant, une graphie polychrome et dynamique», comme on peut le lire sur le petit feuillet de présentation de l'exposition. L'artiste appréhende l'écriture comme une forme-module, libérée de ses appartenances sémantiques. Détournée de son existence originelle, l'écriture dans le travail de l'artiste s'épure pour devenir forme, ligne, trace, graphie et émotion... Né à Milan en 1938, Ferrari commence son activité artistique début des années 1960 et ne cesse depuis de s'imprégner de sa terre natale qui lui procure ses matériaux et autres techniques, à l'instar du sable noir de la région d'Otranto, l'élément fondamental de sa peinture et «signe» de son appartenance. Le signe devient, depuis 1963, l'objet de recherche de l'artiste et par la suite le fil conducteur de toute son œuvre. Ce sont les derniers événements survenus dans notre pays qui l'ont amené à nous. Il est venu nous présenter à travers cette exposition-projet, une importante série d'œuvres de grandes dimensions, réalisées pendant ces dix dernières années, à l'instar des séries Palinsesti, oltre la soglia et d'Interno-Esterno. Dans cette dernière série (150/150, acrylique et sable sur toile), l'artiste ouvre, selon ses termes, une fenêtre, fait parler le noir qui accouche, par delà le cadre (frontières), de signes (connaissance). Une fente vient ainsi se creuser, à coups de traitement de la matière et de la couleur, comme pour arracher au néant (sur la toile le sable noir) la lumière éclatante de la «Gnose». Cela nous rappelle le zip du peintre américain Barnett Newman (1905-1970), un des représentants les plus importants de l'expressionnisme abstrait. Il séparait ses grandes surfaces de couleurs par de fines lignes verticales, des zips (en anglais, «fermeture éclair»). La fente (ouverture en sable noir) chez Ferrari éclate au milieu de fond blanc, bleu, rouge qui surgissent sous les couches-papiers (sable aussi)... Ici et là, des signes-graphies apparaissent et surgissent de l'ouverture. Le tableau se fait palimpseste, le signe messager et porteur de sens... Rencontre(s) La rencontre, ou plutôt les rencontres sont celles de la matière avec la toile et les couleurs, celles des matériaux et autres techniques dans l'œuvre de l'artiste italien, mais également celles qui dépassent les frontières picturales et géographiques, pour rassembler trois sensibilités et trois artistes: les deux Italiens Ferrari et le jeune metteur en scène Matteo Bernardini et l'illustre calligraphe tunisien N'ja Mahdaoui. Les rencontres se font ainsi dans des surfaces (picturales/géographiques) qui n'admettent pas les frontières, leur préférant les tangentes. Il y a celle qui réunit les peintres et le calligraphe dans un même espace d' exposition. Ainsi, N'ja Mahdaoui, également explorateur du signe que nous ne présentons plus, expose trois œuvres réalisées en 2009 où il poétise et chorégraphie la calligraphie arabe. Il y a aussi leur rencontre dans une même surface, à travers une œuvre-performance à quatre mains, juxtaposant les signes de chacun. La troisième rencontre est celle du public avec les travaux des deux artistes et notamment avec l'immense toile (500/120 cm) que Ferrari a laissée ouverte (pour ne pas dire achevée car l'œuvre d'art n'est jamais achevée...), afin que le spectateur- partenaire y dépose sa signature et marque son passage, le tout capté par la caméra du jeune metteur en scène italien. Cela nous mène à la dernière rencontre, celle de ce dernier, avec tout ce beau monde, qui vient aussi inscrire sa signature et laisser une énième trace dans ces multiples rencontres... Cet emboîtement de rencontres fait écho à l'esthétique et à l'œuvre de Ferrari où les éléments-signes, à l'instar des sensibilités, se stratifient et s'ajoutent les uns aux autres... Malheureusement, lors de notre passage au Centre d'art vivant du Belvédère, les traces des œuvres -performances avaient disparu, ou du moins n'étaient pas visibles ce jour-là... Voyons, mesdames et messieurs du Centre, ne fermez pas le «zip»! L'exposition se poursuit jusqu'au 29 février.