Par M'hamed Ben Sassi Les candidats à la Constituante sont-ils au fait des enjeux et de leur importance pour se lancer en connaissance de cause dans la campagne électorale en cours? Deux raisons poussent à poser cette question . La première est le côté féerique de certains programmes où les candidats se sont donnés en spectacle en promettant monts et merveilles sans arriver à convaincre les plus crédules. La seconde réside dans la superficialité des programmes qui se suivent , se ressemblent et se limitent à des clichés. 1- Des promesses irréalistes qui n'ont rien à voir avec la mission fondamentale de l'Assemblée constituante Création de centaines de milliers d'emplois en peu de temps, amélioration du revenu du simple au triple dans l'immédiat, distribution de logements, gratuité totale des services publics…… Telles sont les promesses fallacieuses qui se dégagent de la campagne électorale de certains partis politiques surtout ceux qui sont apparus après le 14 janvier et de certains candidats indépendants. Naturellement, le Tunisien qui ne manque ni d'intelligence ni de maturité pour distinguer entre le plausible et l'infaisable, n'y a pas cru, et ce, non pas parce qu'il a pris l'habitude de ne consommer que des promesses, mais aussi et notamment parce que le genre de promesses qui lui sont faites ne sont ni réalisables ni réalistes même dans les pays les plus riches de la planète. Quel que soit le degré d'optimisation des ressources et des richesses et quelle que soit la qualité de la gouvernance pour parer à la corruption et à la mauvaise gestion des deniers publics, la situation ne sera pas un Eldorado ainsi que nous le promettent les postulants à la Constituante. Les Tunisiens ont, pour la plupart, perdu confiance dans le sérieux et la crédibilité des partis et des candidats , toutes catégories confondues et à chacun ses raisons. Il ne peut pas faire confiance à des hommes politiques qui poussent le ridicule à son paroxysme soit par démagogie soit parce qu'ils pensent, en toute naïveté, pouvoir résoudre tous les problèmes en un petit tour demain. Le hic est qu'il met tout le monde dans le même sac alors que certains partis politiques qui ont un passé militant glorieux et une expérience politique riche sont d'une autre trempe et ont d'autres atouts . 2- Des programmes politiques squelettiques et des clichés L'enjeu de la Constituante n'étant pas de proposer des choix socioéconomiques et des solutions aux problèmes posés, les débats, les programmes et les discours durant la campagne devaient être axés sur le modèle institutionnel, le régime politique et le contenu de la Constitution à concevoir pour la Tunisie de demain et non un exercice de juridisme digne des constitutionnalistes des deux derniers siècles. De ce côté, les candidats qui ont eu la présence d'esprit d'aborder le vif du sujet, se sont livrés à une parodie sur fond d'idéologies multicolores. Communistes, nationalistes, centristes, islamistes proposent pratiquement les mêmes clichés. Pour les uns, un régime parlementaire à l'anglaise où tous les pouvoirs seront entre les mains de l'autorité législative. Pour les autres, un régime présidentiel à l'américaine où les pouvoirs du président ne sont pas ceux du Parlement .Et pour les plus doués, le salut est dans un parlementarisme rationalisé à la française ou un présidentialisme aménagé à la malaisienne. Chacun prétend que sa proposition est le corollaire d'une vision idéologique propre et d'orientations politiques singulières. A les croire, on est tenté de déduire que la séparation des pouvoirs et l'alternance au pouvoir sont des créations de l'extrême droite bien avant " L'esprit des lois " de Montesquieu et " Le contrat social" de Jean jacques Rousseau et que la liberté et les droits de l'Homme sont une trouvaille de l'extrême gauche . La seule chose qui leur échappe est que la Tunisie , premier pays arabo-musulman à disposer d'une constitution libérale vers le milieu du 19e siècle est l'un des premiers pays au monde à ne pas la respecter . Bafouage des libertés et des droits de l'Homme, torture, corruption, présidence à vie puis présidence à durée indéterminée , confusion des pouvoirs et totalitarisme, inféodation de la justice …. D'où alors, la mise en place d'une nouvelle Constitution quelle que soit la teneur des dispositions et des formules à retenir, ne saurait suffire à prémunir contre la dérive dictatoriale que nous avons vécue jusque là. Le tout sauf si l'on prévoit dans le nouveau texte des mécanismes et des gardes- fou qui protégeront la République contre d'éventuelles tentations de récidive. Comment doter le pays d'une Constitution au service de la République, du développement économique et du progrès social ? Comment garantir l'irréversibilité du processus ? C'est à ces questions précises que le Tunisien averti souhaite connaître l'opinion des candidats en compétition.