Par Amel Zaïbi La contestation des enseignants du secondaire tourne désormais au cauchemar, pas pour les affiliés de la fédération générale de l'enseignement secondaire mais pour les élèves et leurs familles. Ces derniers, pris en otage par les innombrables revendications des enseignants qui n'en finissent pas tout au long de ces dernières années, ont, à leur tour, décidé de se manifester et d'exprimer leur ras-le-bol, et de la manière la plus déterminée. Des plaintes ont été déposées hier auprès de plusieurs tribunaux régionaux contre la fédération, contre ses décisions unilatérales que plus rien ne semble pouvoir arrêter et ses actions plus proches de l'égocentrisme que du militantisme social. Le boycott des devoirs de synthèse du premier trimestre a été renchéri par celui des conseils de classe, outre les menaces de la fédération de boycotter également les deuxième et troisième trimestres, autrement dit toute l'année scolaire 2018-2019. Les collégiens et les lycéens doivent ainsi, selon Lassaad Yaakoubi, secrétaire général de la structure syndicale, porter la responsabilité, avec le ministère de l'Education, de la non-satisfaction de toutes les revendications de leurs enseignants, fussent-elles impossibles à satisfaire d'un seul coup et tout de suite. Sachant que les précédentes contestations, depuis l'année 2012, qui ont souvent pris la forme de tours de force, ont permis de satisfaire plusieurs de leurs revendications mais, à l'évidence, la check-list de Lassaad Yaakoubi est encore bien longue. De quoi s'interroger sur la sincérité du syndicaliste et sur ses véritables mobiles poussant à l'endurcissement de son mouvement de protestation, d'autant que nul n'ignore que la centrale syndicale ne forme pas un bloc hermétique derrière lui et que nombre d'enseignants ont exprimé à leurs élèves et à leurs familles leur refus de l'escalade telle que la conçoit Yaakoubi. Il y en a même parmi eux qui ont fait part de leur intimidation par certains de leurs collègues grévistes. La crise du secondaire prend un nouveau tournant avec le recours à la justice par les élèves et leurs familles, leur dernier recours. Et il n'est nullement besoin de noyer le poisson dans l'eau et de diaboliser ces familles en les accusant d'avoir des accointances dans le gouvernement. Il s'agit d'un appel au secours pour faire valoir leurs droits à une année scolaire normale, à des examens aux dates prévues et à rester en dehors d'une bataille qui n'est pas la leur. Dans un Etat de droit, la justice doit répondre favorablement à cette requête, même si la partie n'est pas gagnée d'avance par les élèves et leurs familles. Toujours est-il que ces familles ont fait preuve de courage et d'audace, à la hauteur de leur colère et de leur désarroi, pour tirer la sonnette d'alarme et dire à qui veut bien les entendre que la fédération générale de l'enseignement secondaire, qui a dépassé toutes les limites du syndicalement correct et des sacrifices que les familles sont disposées à consentir pour soutenir les enseignants de leurs enfants à acquérir de nouveaux droits, n'est pas au-dessus de la loi. Lassaad Yaakoubi, le syndicaliste le plus notoire et le plus contesté, n'ira peut-être pas en prison — notoriété oblige — il ne sera peut-être pas non plus dégagé de la fédération, qui échappe désormais à l'autorité centrale de l'Ugtt, mais le syndicaliste sait au moins maintenant qu'il devra faire face à des interrogatoires judiciaires en bonne et due forme pour répondre de ses actes. Les revendications sociales, aussi légitimes soient-elles, ne lui donnent pas le droit de décider de l'avenir des autres, de frustrer des millions de familles qui déboursent des fortunes pour financer les cours particuliers, et d'imposer à tout le pays une année scolaire à deux vitesses, d'un côté, l'enseignement privé qui évolue normalement, et de l'autre, l'enseignement public otage d'un syndicalisme extrémiste. Et Lassaad Yaakoubi qui prétend sauver l'école publique en la soustrayant à ses desiderata !