Le dernier trimestre a démarré hier, lundi, avec la rentrée d'après les vacances du printemps. Ce dernier trimestre, le plus délicat de tous et dernière ligne droite avant les examens de fin d'année, risque cependant de ne pas se dérouler comme il se doit. Nos élèves, et leurs parents, ont le cœur qui bat la chamade puisque le risque d'une année blanche commence à pointer son nez. La cause ? La grève des enseignants du secondaire qui s'allonge. Toutes les solutions présentées par le ministère de tutelle et toutes les concessions faites par le ministre Néji Jelloul, ont été balayées d'une main par le secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire, Lassâad Yaakoubi. Aux dernières nouvelles, et alors qu'on s'attendait à ce que la hache de guerre soit enterrée à l'occasion de la rentrée, on apprend que le syndicat persiste dans sa position de refus de toutes les solutions présentées par le ministère. En ce mardi 31 mars 2015, on craint le pire du côté du ministère et des familles d'élèves : l'année blanche, puisque les enseignants menacent de boycotter les examens, ni plus ni moins. Pour comprendre pourquoi a-t-on atteint ce blocage, il faut constater le langage de sourds qui sied entre les deux protagonistes. D'un côté, le ministère rappelle qu'il n'a pas les moyens de satisfaire les revendications des enseignants. Ces revendications sont essentiellement matérielles. Les enseignants exigent 280 dinars d'augmentations (sous différentes appellations) que le ministère ne peut pas honorer. Il suffit d'ailleurs de regarder le budget de l'Etat pour vérifier la véracité des propos du ministère. La Tunisie ne cesse de s'embourber dans le déficit budgétaire et le Mammouth en est une des principales causes. En dépit de ce constat que tout un chacun peut réaliser, les syndicalistes jouent à l'autruche et prétendent que le ministère a les moyens de les augmenter. Dans une intervention sur Shems FM, lundi 30 mars, Sami Tahri SG adjoint de l'UGTT affirme que la situation générale du pays permet une augmentation des salaires des enseignants. Petit rappel : le coût de cette augmentation est estimé à 205 millions de dinars. Autre petit rappel, le déficit budgétaire de l'Etat est de 7,5 milliards de dinars. Où est donc cette possibilité d'augmentation dont parle M. Tahri ? Mystère !
L'opinion publique suit de près cette affaire qui dure depuis des semaines. Selon le dernier sondage de Sigma Conseil, daté du lundi 30 mars, 85% des Tunisiens s'opposent à la grève des enseignants et 50% d'entre eux sont totalement contre leur augmentation. Toujours dans le déni, M. Tahri balaie les chiffres du sondage d'une main et les met en doute. Il regrette, dans la foulée, que les médias présentent les enseignants comme étant des pirates prenant en otage les élèves. En clair, Sami Tahri et Lassâad Yaakoubi veulent une augmentation que l'Etat ne possède pas et un soutien moral de la part de l'opinion publique que celle-ci n'est pas du tout prête à leur accorder, vu l'indécence des propositions et du chantage avec les examens. Faut-il rappeler que les priorités du pays sont ailleurs et consistent principalement en la lutte contre le terrorisme, la lutte contre le chômage et le développement régional.
L'absurdité des revendications syndicales laisse coi. L'UGTT étant partie prenante dans le dialogue national de 2013-2014, est une des organisations les plus conscientes et les plus au fait de la situation réelle du pays. Elle est surtout consciente de la gravité de prendre des élèves en otage et de déconsidérer le corps enseignant devant l'opinion publique. Comment expliquer alors ce bras de fer intenable et qui ne profite, finalement, à aucune des parties ? Un haut cadre au ministère n'hésite pas à accuser des parties politiques bien déterminées à être derrière ce bras de fer. Ces parties utilisent les enseignants pour atteindre des objectifs précis. Il explique : Si le ministère cède devant les exigences du syndicat de l'enseignement secondaire en octroyant aux enseignants des augmentations exagérées et disproportionnées, il y aura inévitablement des demandes similaires des autres corps enseignants (notamment primaire et supérieur), mais aussi des autres secteurs. Le gouvernement se trouvera immédiatement face à une série de grèves et de revendications qu'il ne pourra, en aucun cas, honorer pour une raison toute simple : il n'en a pas les moyens. Résultat des courses, le gouvernement est acculé à jeter l'éponge !
Pour sortir de cette crise, il est impératif que les enseignants écoutent leur conscience et se rappellent de la déontologie de leur noble profession, précise notre interlocuteur. En clair, ils cassent la grève et accomplissent leur devoir vis-à-vis de leurs élèves. Ethiquement, ils n'ont pas du tout le droit de boycotter les examens et de risquer une année blanche pour ces élèves qui n'ont pas à payer les conséquences de ce bras de fer absurde et considéré comme illégitime par l'opinion publique et les observateurs avisés. Ces élèves ont déjà payé un gros coût avec les grèves, ils n'ont pas à payer davantage. S'ils ne veulent pas être déconsidérés davantage par l'opinion publique, les enseignants se doivent de casser la grève, de tourner le dos à certains syndicats et de se rappeler leur déontologie.