Pour relever les défis du chômage et démarrer quand bien même une vie professionnelle, un grand nombre parmi les jeunes diplômés et moins jeunes optent pour une reconversion professionnelle. Le décalage entre le marché de l'emploi et le système éducatif tunisien est patent. Le chômage des diplômés universitaires qui persiste et continue à augmenter en témoigne. L'INS a recensé plus de 270 mille diplômés universitaires chômeurs, durant le troisième trimestre de l'année 2017. Soit un taux de chômage qui s'élève à 30,6% du total des universitaires. Les sciences exactes figurent parmi les filières d'études où les embauches sont presque inexistantes. Plus de 70 mille maîtrisards en sciences exactes et plus de 60 mille techniciens supérieurs toutes spécialités confondues ont été recensés comme des diplômés inoccupés. D'un autre côté, le marché de l'emploi impose ses diktats. Le secteur qui domine le podium est celui des services. A lui seul, il recrute plus de la moitié du total des occupés, alors que les 48% restantes se répartissent entre les secteurs des industries manufacturières et non manufacturières ainsi que l'agriculture et la pêche. A vrai dire, cette incompatibilité entre le marché du travail et l'enseignement supérieur n'est pas un constat nouveau et n'est pas propre à la Tunisie non plus. Avec l'arrivée du web, la numérisation, la mondialisation et l'intelligence artificielle, le fossé entre l'université et l'employabilité ne cesse de se creuser. Généralement, une fois le diplôme en poche, les jeunes se confrontent aux difficultés de l'insertion professionnelle, notamment le manque de débouchés. Pour relever les défis du chômage et démarrer quand bien même une vie professionnelle, un grand nombre parmi eux optent pour une reconversion professionnelle. Ils intègrent des centres de formation professionnelle dans diverses spécialités. En Tunisie, on compte 137 centres de formation qui relèvent du ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle et 3.000 centres privés de formation professionnelle spécialisés, essentiellement dans les métiers du secteur des services, et qui sont répartis sur tout le territoire de la Tunisie. Un nombre qui dénote l'importance de la formation professionnelle en tant que recours pour les jeunes. Ne pas lâcher prise Talel, 23 ans, technicien supérieur en génie mécanique, n'a pas hésité à changer de vocation à chaque fois, il rencontre des difficultés d'embauche. «J'ai eu mon baccalauréat en 2011. Vous savez que l'orientation universitaire est un véritable filtrage, qui ne tient compte que des moyennes et des scores obtenus sans considérer ni les exigences du marché du travail ni les ambitions et les vocations des jeunes. Avant le baccalauréat, je n'avais aucune idée des spécialités et des filières post-bac. Mon seul souci, d'ailleurs à l'instar de tout le monde, était d'obtenir de bons résultats et de satisfaire surtout mes parents. Au début je voulais me vouer à l'informatique mais vu que j'étais contraint à des soucis de transport, je me suis orienté vers la mécanique. Au fil des années et à mesure que l'on s'approche de la fin des études universitaires, on se confronte peu à peu à l'amère réalité du chômage dans ce secteur, d'un véritable manque d'apprentissage et de travaux pratiques. Et il s'avère que ceux qui ont obtenu des BTS et des BTP de la même spécialité sont beaucoup plus habiles dans les manipulations pratiques. Je n'avais aucun choix que d'achever mon parcours universitaire pour satisfaire ma famille. Mais ma passion c'est le cinéma, alors dès que j'ai eu mon diplôme je me suis mis à dénicher un bon centre de formation pour décrocher un BTS en audiovisuel. Après deux ans de formation, j'ai trouvé encore une fois des difficultés d'embauche. Cependant, j'étais quelqu'un de très actif. J'ai adhéré à plusieurs associations. J'ai également suivi maintes formations dans divers domaines. Et c'est exactement ça qui m'a ouvert une brèche vers le management. Récemment, j'ai été recommandé pour diriger un projet et je me suis dit pourquoi pas. Finalement ce n'est qu'une autre expérience professionnelle», a dévoilé Talel. Le parcours universitaire de Hammadi n'est pas de moindre richesse. Comme Talel, Hammadi est plutôt passionné par le cinéma. Après l'obtention de son baccalauréat, il a suivi des cours en audiovisuel à l'Isamm Manouba. «Lorsque j'ai intégré la faculté de La Manouba à l'Isamm, j'ai découvert d'autres filières tels que le montage, le cadrage, etc., alors j'ai laissé tomber la spécialité du cinéma pour faire du montage, vu que le cinéma en Tunisie vit de véritables difficultés et n'aboutit pas de véritables débouchés. Ensuite j'ai décidé de m'orienter vers le journalisme. Mais je voulais quelque chose d'innovateur où je pourrai utiliser tous mes atouts ainsi que mes connaissances en audiovisuel. Actuellement je travaille en tant que journaliste web dans un journal électronique. Et je suis vraiment épanoui dans mon travail», a confié Hammadi. Le chômage est un véritable casse-tête. Il est désormais la bête noire des jeunes. Mais qu'à cela ne tienne, ces jeunes ont décidé de lui faire face par leurs propres moyens !