A quelques jours de l'élection présidentielle, le climat n'est pas à la fête démocratique. Point d'adversaires qui confrontent leurs points de vue, leurs visions ou leurs programmes. Point de débats. Point de saine effervescence médiatique. L'ambiance est pesante. Il n'est question que d'affaires judiciaires contre les voix qui dérangent. Il n'est question que de scandales, notamment impliquant l'instance électorale censée indépendante. Une instance qui a envoyé paitre les verdicts de la plus haute juridiction administrative du pays, préfigurant officiellement la mort de l'Etat de droit. Cette notion que le président-candidat dit pourtant défendre et garantir.
Dans les faits, les choses sont autres. C'est plutôt la loi du plus fort qui prévaut. Le langage guerrier ouvertement employé dans le manifeste électoral du candidat numéro 3, ne laisse aucun doute sur le fait que ce sera désormais la loi du plus fort qui s'appliquera. Le processus électoral a été le théâtre de rebondissements qui ne vont que dans un unique sens, qui ne servent qu'un seul résultat possible, mais aux conséquences o combien dramatiques. Rien de bon n'en sortira. Toutes ces manœuvres ont décrédibilisé le scrutin et il n'est pas imprudent de dire que les résultats risquent d'être invalidés. A moins qu'un nouveau rebondissement ne vienne étêter le tribunal administratif. Tout est possible. Il faut tout envisager.
C'est dans ce climat trouble que les Tunisiens, s'intéressant encore à la vie politique de leur pays, se débattent. Entre un pouvoir qui pèse de tout son poids pour un passage en force et les remous que cela génère, les gens sont déstabilisés. Certains disent choisir le boycott comme forme de contestation et pour ne pas donner de la légitimité à une mascarade. D'autres appellent au vote massif pour rendre le changement possible, pour ne pas rester dans l'inaction en dépit des obstacles. Tous sont, toutefois, lucides quant au fait que c'est pratiquement joué d'avance. Tous, aussi, sont à l'affut du moindre signe qui augurerait un retournement de situation.
Les rumeurs et les supputations s'entrechoquent donnant lieu à une fluctuante situation de flottement. Une phrase d'un membre de l'instance électorale fait ainsi l'effet d'une petite bombe quand il annonce que l'Isie examinera la situation du candidat définitif Ayachi Zammel après le scrutin. Les votes pour le candidat, actuellement incarcéré, seraient-ils donc invalidés ? Cette déclaration ouvre en effet les champs du possible. Une phrase, la toute dernière d'un communiqué du bureau du parlement, a aussi été interceptée comme un signal de quelques manœuvres en préparation. « Le bureau a décidé de demeurer en session permanente jusqu'à la semaine prochaine pour interagir avec les développements de la scène nationale ». Brahim Bouderbala, président du parlement, en a décidé ainsi, mais dans quel but ? Les analyses et les rumeurs vont bon train. D'aucuns avancent qu'il aurait été convoqué par le président et qu'il serait question de préparer l'adoption d'un texte reportant l'élection, puisqu'il devenait certain que les résultats du scrutin seront contestés. Aucun moyen d'infirmer ou de confirmer ces suppositions tant l'effet de surprise est toujours de mise avec ce régime.
La première conclusion qu'on pourrait tirer est que la confusion et l'incertitude prédominent en cette période de campagne électorale. La conclusion globale qu'on pourrait tirer, c'est le démantèlement en règle de l'Etat de droit et des espoirs démocratiques. Le pouvoir a semé le chaos et les graines seront certainement pourries.