En insistant sur les taxes à appliquer aux produits de luxe importés et en oubliant les mesures visant à renforcer les exportations ou au moins à préserver les emplois que le secteur offre, l'Utica prend en otage la loi de finances 2018 et essaye, via une pression médiatique continue, d'imposer une loi de finances à son goût Jamais un projet de loi de finances n'a provoqué autant de débats, d'échanges et surtout de propositions faites par des experts dont personne ne soupçonnait l'existence que celui relatif à la loi de finances 2018. Bien avant le dévoilement de son texte définitif (beaucoup de partis appartenant à la coalition gouvernementale jurent en être informés par les médias), tout le monde ou presque s'est exprimé sur les dispositions contenues dans le projet de loi, principalement pour ce qui est des impôts que les Tunisiens auront à payer en 2018, des taxes supplémentaires que les entreprises «qui réussissent auront à verser à la trésorerie publique et pour les mesures à caractère social qui accompagneront l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sans oublier les sacrifices que les salariés et aussi les retraités vont consentir pour sauver les caisses de sécurité sociale, la Cnss, la Cnrps et la Cnam». Youssef Chahed, chef du gouvernement d'union nationale, n'a pas cessé d'affirmer que la vignette auto et le timbre de voyage ne connaîtront pas d'augmentation, que trente mille artisans ne payeront pas les dettes qu'ils doivent à l'Etat depuis 2009 et que 500.000 Tunisiens jusque-là exclus des crédits bancaires en bénéficieront pour pouvoir accéder au programme Premier logement, sans oublier la batterie de mesures visant à assurer la pérennité des petites et moyennes entreprises et la sauvegarde des emplois qu'elles offrent, il semble que les messages du gouvernement ne rencontrent jusqu'ici que des oreilles sourdes ou plutôt l'incompréhension de certaines parties censées soutenir les orientations du chef du gouvernement. Si l'Ugtt considère par la voix de son secrétaire général, Noureddine Taboubi, que «la loi de finances 2018 constitue un pas en avant», il semble que l'Utica, l'organisation des patrons, a une autre approche de la même loi. Et elle l'a fait savoir dans une déclaration publique issue de son dernier conseil central. L'Utica estime, en effet, que «la loi de finances 2018 constitue une menace pour l'investissement. Les taxes qui concernent les produits importés (ceux de luxe dont la majorité écrasante des Tunisiens n'ont pas besoin) sont un coup dur pour les importateurs dont les entreprises sont en danger». Les rédacteurs de la déclaration finale du conseil central de l'Utica appellent à ce que ces taxes soient purement et simplement annulées et ils menacent de prendre les mesures qui s'imposent. Sauf que les mêmes membres de l'Utica oublient ou passent sous silence les mesures d'appui que la loi de finances 2018 prévoit en leur faveur. Ainsi, les investisseurs qui lanceront des projets dans les régions intérieures du pays dites prioritaires ne payeront pas d'impôts durant trois ans. Faut-il rappeler aussi que la même loi de finances prévoit de nouveaux mécanismes pour renforcer l'exportation et préserver les postes d'emploi dans les secteurs à forte employabilité. Parmi ces mesures destinées à booster l'exportation : 50 millions de dinars seront réservés à la restructuration des petites et moyennes entreprises (PME), le rééchelonnement des crédits à moyen et à court termes, le financement des investissements matériels et immatériels, la lutte contre l'importation anarchique, etc. Faut-il comprendre qu'en insistant sur les taxes à appliquer aux produits de luxe importés et en oubliant les mesures visant à renforcer les exportations ou au moins à préserver les emplois que le secteur offre, l'Utica prend en otage la loi de finances 2018 et essaye, via une pression médiatique continue, d'imposer une loi de finances à son goût.