La première de «Terroriste moins quart» de Raouf Ben Yaghlane a eu lieu samedi au Théâtre municipal de Tunis. Le public était au rendez-vous. Il y avait foule devant le Théâtre municipal samedi dernier. Une foule fidèle à Raouf ben Yaghlane pour la plupart. Mais il y avait aussi la jeune génération venue découvrir cet homme de théâtre qui, même dans un one man show, tente de donner au rire un aspect cérébral, rabelaisien sans pour autant le dissocier de son côté spontané et naturel. «Terroriste moins quart» est l'intitulé de ce spectacle qui a duré deux heures. Une performance physique de la part de l'acteur Raouf Ben Yaghlane, très dynamique sur scène par ailleurs mais aussi passionné et sincère dans son jeu. Le spectacle est un dialogue entre un dramaturge et le personnage qu'il est en train de créer. Ce personnage se révèle un jeune Tunisien sur le point de devenir terroriste. Il ne lui reste qu'un quart d'heure pour rejoindre le maquis et entrer dans la logique des obscurantistes. Son auteur refuse alors de terminer l'écriture du texte, de le créer en quelque sorte. Mais il lui reste un quart d'heure pour convaincre son personnage de rejoindre le droit chemin. Pendant ce dialogue Raouf Ben Yaghlane revisite les causes qui poussent un jeune Tunisien à suivre les sombres chemins des obscurantistes, prêts à tuer au nom de l'Islam. Il s'agit d'un diplômé du supérieur, chômeur qui se fait jeter par sa petite amie par trop capricieuse et que personne n'écoute ni à la municipalité ni au gouvernorat. Bref, un personnage ignoré aussi bien par la société que par l'Etat. L'auteur tente alors de le convaincre qu'il y a d'autres voies à emprunter non sans critiquer lui-même le système politique et le dédain de l'Etat face à cette catégorie de jeunes. «Je fais ce spectacle parce que je crois au rôle irremplaçable que peut jouer la création artistique et l'action culturelle dans la lutte contre le terrorisme, déclarera Raouf Ben Yaghlane. Cette lutte doit trouver sa forme d'expression dans un spectacle. Il ne s'agit pas seulement de choisir ce thème pour en parler. Dans ce spectacle il y a le dialogue entre l'auteur et son personnage mais le vrai face-à-face se fait entre la culture et l'obscurantisme. Parce que je ne peux pas avoir un contact direct avec un vrai terroriste je l'ai inventé ! je l'ai construit et j'ai tenté de dialoguer avec lui. C'est à la fois une démonstration de la naissance d'un terroriste et une déconstruction du discours obscurantiste». Le spectacle est aussi un hommage que Raouf Ben Yaghlane rend en filigrane à l'armée tunisienne. Le décor de la scène en dit long d'ailleurs. Une scène toute couverte par les tissus de camouflage bariolés, utilisés par l'armée pour cacher ses équipements avec un divan au milieu et deux fauteuils aux extrémités. Un hommage bien mérité et que le public a longuement applaudi.